Luc Pareydt : « Les peuples de Terre sainte n’attendent pas que l’on parle à leur place, mais qu’on les écoute »

Le retour en France est lourd après dix ans à Jérusalem. Tant de jugements exclusifs, d’où qu’ils viennent, sur un conflit irréductible aux préjugés. La profondeur de l’histoire s’impose. Aux affirmations péremptoires, il faut opposer une relecture patiente des narratifs, contradictoires – à commencer par les récits bibliques. L’histoire n’est pas close. Où est le « vainqueur » ? C’est plutôt, pour tous, le désastre.

Le plus ancien conflit du monde nous oblige. Les engagements historiques de la France lui font devoir d’intelligence et de courage. Notre diplomatie, trop faible et trop peu lisible, peut réinventer la protection des populations broyées par le conflit qui les enrôle. Courage de redire que les solutions à ce conflit étaient posées dès 1947.

La résolution « canonique » 181 [adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1947] prônait, bon an mal an, le partage de la Palestine historique pour deux Etats souverains. Elle actait le statut international de Jérusalem, spécifiquement des lieux saints, pour assurer aux croyants la liberté du culte, position alors ardemment défendue par la France et le Saint-Siège.

Il conviendrait – avant d’enterrer la solution à deux Etats sans rien proposer d’autre qui serait réalisable, sauf un statu quo qui serait un apartheid de fait ou un improbable Etat unique dans lequel les blessures ne sauraient par miracle se résoudre – de relever le droit et d’en imposer la tenue, quoi qu’il en coûte d’intérêts hexagonaux au petit pied.

Ce conflit s’exporte. C’est le pire des scénarios. Les Européens ont voulu rationaliser le Proche-Orient, dont la Palestine, en imposant des « mandats » au service d’intérêts économiques et d’influences politiques. Identités, cultures, alliances claniques et religieuses qui maintenaient des équilibres de paix minimum ont été bafouées. Les identités sont devenues meurtrières. Nous avons compliqué et hystérisé le Proche-Orient, en faisant un « bon objet » de projection de nos identités culturelles fracturées. Pourtant, Jérusalem n’est pas à notre disposition, nous ne pouvons pas jurer par Jérusalem.

Ne parlons pas à la place des peuples. Rien n’exaspère plus les Israéliens, les Palestiniens, les treize confessions chrétiennes de Jérusalem, les multiples sensibilités juives d’Israël et les visages divers de l’islam de Palestine que notre prétention à vouloir les enrôler dans nos problématiques. Nous parlons aisément des chrétiens de Jérusalem, certes en grande précarité, mais nous les exaspérons à pleurer sur leur sort sans être vraiment à leurs côtés.

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