Les brèves critiques du « Monde des livres » : Emma Becker, Gabrielle Halpern, Camille Pascal…

Quatre romans, un recueil de nouvelles, trois biographies, un essai d’histoire, un de philosophie, un de sciences politiques, un livre sur la langue française et un atlas… Voici les brèves critiques de treize ouvrages notables en cette quarante-quatrième semaine de l’année.

Dans L’Inconduite (Albin Michel, 2022), Emma Becker racontait la suite de ratages sexuels et amoureux engendrés par sa quête d’intensité, à un moment de sa vie où elle craignait de se voir dissoute par la maternité. Le Mal joli semble en être le négatif, puisqu’il y est question d’une passion pourvoyeuse d’orgasmes ininterrompus autant que de sentiments renversants. Celle qui lie l’autrice-narratrice, mariée, mère de deux jeunes enfants, à un homme qui, bien sûr, n’est pas son genre : un écrivain aristocrate, amateur d’andouillettes et d’auteurs collabos. Pour tenter de garder la main alors même qu’elle chavire, et parce que tous ses textes témoignent d’une conception bravache de la littérature comme lieu de mise à nu, Emma Becker écrit à mesure qu’elle la vit, ­durant trois saisons, cette histoire, l’un de ces « drames qui se présentent déguisés en miracle ». Elle met à décrire les scènes de sexe une énergie, un entrain et une précision que finit par épuiser le caractère exhaustif du récit. Lequel n’est jamais aussi convaincant que dans les pages où l’autrice prend un peu de distance avec cette amoureuse frénésie. R. L.

Son oncle Edouard VIII n’eût-il pas abdiqué en décembre 1938, laissant monter sur le trône George VI, elle ne serait pas devenue reine du Royaume-Uni à son tour, en 1952. Soixante-dix ans plus tard, à la mort d’Elizabeth II, le record de longévité de son ­règne n’était dépassé, au niveau européen, que par celui de Louis XIV, plus long de deux ans.

L’universitaire Philippe Chassaigne, auteur d’une Histoire de ­l’Angleterre des origines à nos jours (Flammarion, 2020), raconte comment elle s’est imposée comme un « élément réconfortant de continuité » au fil d’époques qui virent le pays perdre ses colonies, tandis que « la livre sterling [cessait] de jouer le moindre rôle de monnaie de réserve » et qu’en matière de PIB par habitant il rétrogradait « du cinquième rang en 1952 au vingt-et-unième en 2021 ». L’auteur tresse avec élégance le public et le privé, les événements géopoli­tiques, parlementaires, économiques et personnels, pour évoquer la manière dont l’histoire d’Elizabeth II et celle de son pays ont pu se confondre, se répondre, et comment la reine s’est accommodée de « l’ère de ­l’hypermédiatisation ». Il examine ses rapports avec ses quinze premiers ministres pour conclure qu’elle fut « un modèle de monarque constitutionnel », éloge qui n’empêche pas d’autres jugements moins amènes, en particulier sur l’opacité qu’elle avait organisée autour de sa fortune. R. L.

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