« Après la croissance sans emploi qui menace les pays riches, faut-il craindre un développement sans emploi dans les économies à bas revenu ? »

Cet été, une agence bancaire de la State Bank of India, une vénérable institution publique indienne, a vu le jour à Chhapora, un petit village isolé du Chhattisgarh, l’un des Etats les plus pauvres du pays. Enseigne rutilante, ordinateurs tout neufs rangés derrière des guichets, formulaires imprimés avec le logo de la banque : qui aurait pu s’imaginer que cette nouvelle agence était en réalité fausse ? D’autant que les escrocs, prétextant un retard dans la livraison des serveurs, avaient refusé de prendre les liasses de billets apportées par les habitants, soulagés de pouvoir enfin placer leurs économies ailleurs que sous un matelas ou une pile de saris.

Les escrocs se sont enrichis autrement, en réclamant de l’argent contre la promesse d’un emploi à la State Bank of India. Ils ont ainsi récolté des dizaines de milliers d’euros et se sont ensuite évanouis dans la nature. Seul l’un d’entre eux a été arrêté. Il faut leur reconnaître un certain sens de l’inventivité. A force d’être alerté sur les arnaques en ligne, on en oublie que les fraudes bancaires ne sont pas que virtuelles. Les escrocs ont compris que le chômage de masse est un fléau qui gangrène l’Inde. Les emplois y sont devenus si rares que les chômeurs sont prêts à tout pour en décrocher, surtout si c’est un emploi de fonctionnaire.

Fin 2022, des demandeurs d’emploi avaient d’ailleurs été victimes d’une arnaque similaire, qui promettait cette fois des emplois dans les chemins de fer indiens. Après les avoir prétendument recrutés contre une commission, les escrocs les avaient envoyés dans des gares compter les trains, avant de disparaître. Le secteur privé offre des conditions de travail très précaires et les cas de surmenage se multiplient, comme l’a montré le suicide récent d’une jeune employée du géant de l’audit EY.

De nombreux autres pays en développement sont menacés par le chômage. « Le spectre du chômage plane de manière inquiétante, avec, à la clé, 800 millions de jeunes qui pourraient se retrouver sans réel emploi, au risque de déstabiliser les sociétés et de freiner la croissance économique », s’est inquiété Ajay Banga, le président de la Banque mondiale, en octobre, lors des assemblées générales communes avec le Fonds monétaire international. Ce fléau est mal comptabilisé, donc invisible, et se confond souvent avec le secteur informel, des petits emplois qui consistent à appuyer sur le bouton d’un ascenseur ou à ouvrir les portes d’un magasin.

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