Depuis un mois, la guerre que livre la Russie à l’Ukraine est sortie du scénario de la guerre d’usure pour entrer dans une phase particulièrement périlleuse. De plus en plus intenses, les combats s’inscrivent dans une logique d’escalade délibérée, déclenchée par la Russie en octobre avec l’appel à la rescousse de troupes nord-coréennes.
Les Etats-Unis y ont répondu en autorisant Kiev à frapper des cibles militaires en territoire russe à l’aide des missiles à longue portée livrés à l’Ukraine par ses alliés occidentaux, autorisation que les forces ukrainiennes ont aussitôt mise en pratique.
Moscou a riposté par le tir d’un missile balistique de portée intermédiaire de dernière génération sur la ville ukrainienne de Dnipro. Dans une allocution solennelle à la télévision, le président Vladimir Poutine, qui a modifié sa doctrine nucléaire pour abaisser le seuil d’utilisation de cette arme, a accusé l’Occident de « mondialiser » le conflit.
Il y a évidemment au Kremlin une part de gesticulation et une volonté d’intimidation, au moment où Washington se prépare à un changement politique radical avec la prise de fonctions, le 20 janvier, du président élu Donald Trump. Il y a aussi à Kiev une tentative désespérée de tenir le front afin de ne pas aborder d’éventuelles négociations en position de faiblesse. Pour les mêmes raisons, les forces russes se montrent de plus en plus offensives.
Ainsi, la bataille fait rage dans la région russe de Koursk, où l’armée ukrainienne avait fait une incursion surprise en août et conquis du territoire dont Kiev voudrait se servir comme monnaie d’échange dans une négociation future. Appuyées par les soldats nord-coréens, les forces russes ont à présent repris la moitié du territoire conquis cet été, selon une source diplomatique ukrainienne.
Cette accélération brutale du conflit, liée aussi à l’incertitude sur les intentions de Donald Trump, qui a promis de mettre fin à la guerre mais sans dire comment, contraint les Européens à redéfinir leur position. En réalité, le moment de vérité auquel ils ont longtemps espéré échapper, comme s’ils pouvaient indéfiniment ignorer que cette guerre est d’abord une guerre européenne, est arrivé.
Sans surprise, ils sont très divisés sur l’attitude à adopter. Il n’y a, pourtant, pas de temps à perdre : les forces ukrainiennes sont en réelle difficulté, la population civile est de nouveau soumise à d’intenses bombardements russes, les infrastructures énergétiques sont visées par une campagne de destruction systématique. Sans attendre de connaître le plan de l’administration Trump, les Européens doivent d’urgence s’organiser pour soutenir l’Ukraine et anticiper une négociation russo-ukrainienne sous l’égide des Etats-Unis visant à mettre fin à la phase chaude de la guerre – négociation à laquelle M. Poutine ne montre actuellement aucune disposition.
Certains Européens ont commencé. Les pays les plus déterminés à faire face à la menace russe, dont la France, le Royaume-Uni, la Pologne, des Etats nordiques et baltes, mènent actuellement des discussions, auxquelles Kiev est associé, sur les mesures à prendre pour pallier un éventuel désengagement américain d’Ukraine. L’envoi de personnel militaire européen en Ukraine est de nouveau envisagé, l’accent mis sur le renforcement de l’industrie de défense. Ces pays doivent poursuivre leurs efforts malgré l’absence de consensus européen et exiger d’être représentés au moment où sera discutée, enfin, la cessation des hostilités.