« Marseille 1940 », d’Uwe Wittstock : le port d’où fuir le nazisme

Après un remarquable récit historique consacré à la prise du pouvoir par les nazis vue par les artistes et intellectuels de l’époque (Février 33, Grasset, 2023), Uwe Wittstock, journaliste littéraire et éditeur allemand, ancien correspondant du journal Die Welt à Paris, poursuit avec Marseille 1940 son exploration de l’histoire de la période avec un invariable souci de l’exactitude des faits (« Tout ce qui est raconté ici est attesté, rien n’a été inventé ») et un remarquable sens de la narration. Un livre passionnant, constitué de courts chapitres qui restituent chronologiquement des fragments de vies saisies dans la panique et la confusion de l’histoire.

En mai 1940, alors que la Wehrmacht envahit la France, entre 8 et 10 millions de fugitifs se retrouvent sur les routes de l’exode. Parmi eux, plusieurs centaines d’exilés allemands et autrichiens, dont une précieuse communauté d’intellectuels et écrivains juifs ou militants antinazis, comme Franz Werfel (1890-1945), Hannah Arendt (1906-1975), Lion Feuchtwanger (1884-1958) et Walter Benjamin (1892-1940).

Plusieurs années après avoir quitté l’Allemagne, les voilà contraints de fuir de nouveau pour se mettre à l’abri de l’avancée des troupes allemandes. Uwe Wittstock raconte ces aventures épiques par de petites touches fugaces et diablement précises.

L’expérience des camps d’internement, par exemple, où certains se trouvent un temps séquestrés. Dans le camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), qui n’est que « crasse et chaleur étouffante », Hannah Arendt s’étonne de l’obsession délirante des femmes pour les cosmétiques. Au camp des Milles (Bouches-du-Rhône), Lion Feuchtwanger se fait repasser chaque soir son pyjama par ses « serviteurs » (dont un ancien boxeur) avant d’aller deviser avec ses amis écrivains Wilhelm Herzog (1884-1960) et Franz Hessel (1880-1941), sous l’œil distant du peintre Max Ernst (1891-1976), qui est là lui aussi, mais « presque incognito », précise Wittstock.

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