Professeur à Harvard, Serhii Plokhy y dirige la chaire d’histoire de l’Ukraine. Spécialiste de l’Europe orientale, il s’intéresse dans ses derniers travaux à l’histoire récente du pays où il a grandi. Il est notamment l’auteur de La Guerre russo-ukrainienne. Le retour de l’histoire (Gallimard, 2023) et d’Aux portes de l’Europe. Histoire de l’Ukraine (Gallimard, 2022).
Auprès du Monde, il revient sur l’altercation qui a opposé, vendredi 28 février dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, le chef de l’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky à son homologue américain Donald Trump et au vice-président J. D. Vance.
C’est une scène historique mais, en tant qu’historien, elle me laisse sans voix, tant cela me semble sans précédent. Citoyen américain originaire d’Ukraine, cette altercation m’inquiète profondément. Les deux parties n’auraient pas dû exposer ainsi leurs désaccords. Ces divisions nous affaiblissent tous, Ukrainiens, Américains et Européens. Elles viennent confirmer que les Etats-Unis ne sont plus prêts à offrir le même soutien militaire à leurs alliés sur le continent européen. Seul Moscou peut se féliciter de cette situation.
Sur le fond de l’affaire, Donald Trump croit la paix possible sur la seule base de la confiance qu’il a en Vladimir Poutine. Le chef d’Etat américain juge que tant qu’il occupe la Maison Blanche, le président russe ne lancera pas de nouvelle attaque contre l’Ukraine. D’un point de vue ukrainien, c’est clairement insuffisant. Volodymyr Zelensky a raison de demander de véritables garanties de sécurité.
Donald Trump semble malgré tout prêt à imposer la paix à l’Ukraine sur la base de conditions proches de celles exigées par la Russie. Son objectif est surtout d’arriver le plus vite possible à un cessez-le-feu. Vladimir Poutine acceptera sans doute l’accord, mais tout en préparant une nouvelle invasion. La guerre reviendra rapidement, si elle devait s’arrêter sur cette base.