L’éducation nationale serait-elle devenue une variante contemporaine de la « grande muette », effervescente en son sein et minimaliste dans son dialogue avec les usagers ? C’est la question que l’on peut se poser lorsque, militant associatif élu en charge de l’éducation d’une ville-préfecture, l’on constate, médusé, les comportements erratiques d’un système, notre cher service public d’éducation, qui fut jadis l’orgueil de notre République.
Le constat est en effet saisissant. En appui à des enseignants ballottés de toutes parts par des instructions suivies d’annulations ou de contre-ordres au point qu’ils ne savent plus où donner de la tête, survit un encadrement intermédiaire tentant de faire bonne figure quoiqu’il manifeste des signes préoccupants de dépression faute d’être écouté – ou au moins entendu – par sa hiérarchie. Les uns comme les autres semblent attendre, désabusés, une réforme à venir qui réformera la réforme précédente, sans trop d’illusions d’ailleurs sur sa durée de vie. Et au milieu de tout cela, élus locaux et usagers – comme leurs représentants – tentent de faire comprendre à qui veut bien les entendre, souvent par médias interposés puisque les instances de concertation ont été en partie cadenassées, l’état factuel et objectif des besoins de l’école.
Pourtant, à percevoir l’autosatisfaction qui semble dominer en haut lieu, l’administration de l’éducation nationale et son inspection générale n’auraient jamais été aussi bouillonnantes, voire prolixes en idées et remèdes miracles. Il n’est quasiment plus une journée sans qu’une réunion décisive, un séminaire d’approfondissement, un symposium de haut niveau ou un colloque prestigieux ne se tienne et affiche l’ambition de faire partager la substantifique moelle de la recherche ou de la pensée qui fera du projet du ou de la ministre provisoirement en place une révélation à même de changer si ce n’est la face du monde du moins celle de l’éducation nationale.