Cette semaine, nous vous conseillons de vous plonger dans Raymond Aron, avec une belle anthologie de ses textes sur Sartre ; dans Alessandro Piperno, et les hauts et les bas que connaît son protagoniste dans la Rome d’aujourd’hui ; dans Tim Ingold, pour retrouver avec l’anthropologue écossais la continuité des liens entre les générations ; dans Santiago H. Amigorena, au bras de qui monter et remonter les marches du Festival de Cannes ; enfin dans Audrey Jarre, pour éprouver l’emprise qui naît de se trouver sous l’œil d’un objectif.
ANTHOLOGIE. « Aron critique de Sartre », édité par Perrine Simon-Nahum
Si Raymond Aron (1905-1983) fut un critique aussi puissant de Jean-Paul Sartre (1905-1980), c’est qu’il partageait avec lui tout un monde de textes et d’émotions. Dans tous les sens du terme, il le comprenait. Pour le vérifier, on lira le recueil de textes intitulé Aron critique de Sartre, qui prend place dans la précieuse « Bibliothèque Raymond Aron » des éditions Calmann-Lévy. Ce volume montre à quel point Aron estimait son « petit camarade », avec lequel il n’a jamais cessé de débattre. Parfaitement conscient que Sartre couvre d’injures quiconque émet un avis différent du sien, Aron tient néanmoins à discuter ses thèses avec loyauté. Un tel effort exige une décision : ne jamais s’abaisser à utiliser les armes de l’adversaire, celles de la polémique malhonnête.
Quand Sartre caricature les thèses d’Aron et lui prête des discours absurdes ou odieux, celui-ci ironise (« Je tiens à sa disposition un résumé de L’Etre et le Néant en dix lignes, dans le même style ») et continue d’exposer en détail la doctrine de son rival. De même, Aron peut citer les propos par lesquels Sartre légitima les crimes du stalinisme. Mais ce n’est jamais pour le livrer au sarcasme : « Je n’ai pas la moindre intention de marquer des points en provoquant le sourire aux dépens d’un philosophe capable d’énormités », prévient celui qui a toujours célébré l’« extraordinaire fertilité » de l’esprit sartrien. J. Bi.