« Meryl Streep a une histoire à vous raconter. » Ce titre accrocheur ne concerne pas un film à gros budget : il présentait la critique très favorable, parue en septembre 2023 dans The New York Times, de la version audio du livre Un été à soi, d’Ann Patchett. Ce « roman de confinement » suit trois sœurs pendant leurs semaines de promiscuité contrainte dans une maison de campagne, où elles se mettent à enquêter sur une ancienne histoire d’amour de leur mère avec un acteur de théâtre, dans les années 1980. Rien de très littéraire, mais la parution américaine, à l’été 2023, avait tout d’un lancement hollywoodien.
Outre la lecture de Meryl Streep, le roman a bénéficié d’un autre imprimatur très prisé : collé sur sa jaquette, un macaron jaune et blanc le certifie « choix du mois » du très puissant book club de l’actrice et productrice Reese Witherspoon. Résultat, la semaine de sa sortie, le livre se plaçait en pole position de la liste de meilleures ventes du New York Times, avec 38 000 exemplaires écoulés (sorti en France chez Actes Sud, en janvier, traduit par la philosophe et essayiste Hélène Frappat).
Publiée par l’un des cinq plus gros consortiums d’édition anglo-saxons (HarperCollins), Ann Patchett a bénéficié à plein d’une machine promotionnelle bien huilée qui croise les carnets d’adresses, les méthodes et les savoir-faire de deux pans du divertissement américain : l’édition new-yorkaise et le cinéma californien. Loin d’être une exception, le lancement d’Un été à soi est l’illustration d’un mouvement de fond, où s’unissent ces deux pôles dans un mariage de raison. Si les ponts entre cinéma et littérature ne sont pas nouveaux (Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, John Fante ou Joan Didion ont tous vendu des scénarios à Hollywood), la fusion se fait désormais à un niveau industriel.