Si la transdisciplinarité est souvent vantée dans le monde de la recherche en sciences sociales comme un objectif désirable, les logiques de carrière et de publication tendent à renvoyer les chercheurs à leurs sillons d’origine. Il est heureusement des contre-exemples : l’œuvre d’Anne Salmon, décédée le 20 juin à Paris, à l’âge de 62 ans, en est un, mêlant approches philosophique, sociologique et historique, et portant sur des objets apparemment sans rapport – les « valeurs » affichées par les entreprises, l’action sociale, l’usage d’un bouton électrique ou encore le travail… du jardinier. Un éclectisme qui a donné lieu à autant d’ouvrages pétris d’érudition, certains teintés d’humour, hélas parfois ignorés de la recherche académique et du grand public, peut-être du fait même de leur originalité.
Au début des années 2000, Anne Salmon a analysé la multiplication des chartes éthiques et la diffusion des thèmes de la citoyenneté d’entreprise puis de la responsabilité sociale. A travers une succession d’ouvrages, d’Ethique et ordre économique (CNRS Ed., 2002) jusqu’aux Nouveaux Empires. Fin de la démocratie ? (CNRS Ed., 2011), elle montre qu’il ne s’agit pas de simples outils marketing, mais de tentatives de relégitimation de l’économie dominante déstabilisée par les crises.