L’Erythrée, pays extrêmement fermé de la Corne de l’Afrique, « reconstruit son armée » et « continue de déstabiliser ses voisins » depuis la levée en 2018 d’un embargo sur les armes, selon un rapport de l’ONG américaine The Sentry, publié lundi 30 juin. Pour la capitale érythréenne, Asmara, les accusations sont « inventées de toutes pièces ».
L’embargo sur les armes avait été instauré par l’ONU en 2009, pour le soutien présumé de l’Erythrée – pays dirigé d’une main de fer par Isaias Afwerki depuis 1993 – aux djihadistes en Somalie.
Depuis sa levée, Asmara « reconstruit son armée, renforce ses défenses et continue de déstabiliser ses voisins », en particulier l’Ethiopie, selon l’ONG The Sentry, spécialisée dans la traque de l’argent de la corruption qui finance les guerres. L’ONG poursuit : « Il faut s’attendre à ce que cela continue. »
L’ONG revient également sur les exactions commises en 2020 et 2022 pendant la guerre du Tigré – région éthiopienne frontalière de l’Erythrée où un violent conflit a opposé des rebelles à l’armée fédérale – appuyée par des soldats érythréens. Au moins 600 000 personnes ont été tuées, selon une estimation de l’Union africaine.
« Des crimes de guerre ont été perpétrés par toutes les parties au conflit, mais la nature des atrocités et des profits de guerre perpétrés par [l’armée érythréenne] était sans précédent, tant par leur ampleur que par leur préméditation », écrit l’ONG, évoquant des « massacres », des « violences sexuelles généralisées », ainsi que des pillages. Un accord de paix a mis fin aux combats, mais des troupes érythréennes sont toujours présentes au Tigré.
Selon The Sentry, des commandants militaires érythréens continuent de contribuer à la déstabilisation du Tigré, « notamment par le biais de la traite des êtres humains, des enlèvements et de l’exploitation illicite de l’or ».
En 2018, la levée des sanctions était soutenue par l’Ethiopie, où Abiy Ahmed venait d’être désigné premier ministre. Ce dernier a obtenu le prix Nobel de la paix l’année suivante après un accord de paix signé avec l’Erythrée.
Mais depuis la fin de la guerre du Tigré, les relations sont à nouveau à couteaux tirés entre Asmara et Addis-Abeba, faisant planer le risque d’un nouveau conflit, comme celui qui a opposé les deux pays pour des différends frontaliers entre 1998 et 2000.
Pour The Sentry, les institutions internationales doivent « envoyer un message clair » aux différents acteurs de la région – notamment aux gouvernements éthiopien et érythréen – qu’en cas de reprise du conflit, « ils seront confrontés à une réponse internationale et à des sanctions »
L’Erythrée, qui compte 3,5 millions d’habitants, occupe la queue de peloton de nombreux classements internationaux, notamment en matière de liberté de la presse (180e sur 180 en 2025 selon Reporters sans frontières) ou de développement humain (175e sur 183 en 2022 selon l’ONU).