« Je suis entrée en cuisine assez tardivement, à 30 ans. Avant ça, j’étais photographe et dessinatrice, mais j’ai longtemps organisé chez moi des repas qui se sont institutionnalisés en tables d’hôte avec une trentaine de convives tous les mois, si bien que j’ai eu envie de me professionnaliser. Aussitôt diplômée, j’ai commencé à travailler dans la restauration et, trois ans plus tard, je savais que je détestais ça.
Quand j’ai quitté les restaurants, c’est devenu intéressant : j’ai organisé des ateliers de cuisine, démarré une chronique culinaire à la radio belge, fait du stylisme culinaire et des scénographies comestibles pour des musées (aujourd’hui, j’enseigne le food design à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles), et je me suis mise à écrire, tout en continuant à faire du traiteur événementiel. J’ai lancé un blog qui s’est matérialisé au fil des années en un livre autoédité. Je l’ai fait tirer avec une belle couverture rouge à 750 exemplaires, et il s’est finalement vendu à 5 000 exemplaires.
Un peu plus tard, en France, la cuisinière Sonia Ezgulian a parlé de mon livre à la radio, puis l’a montré à Hachette, qui a souhaité le rééditer. J’ai proposé de faire plutôt une suite, couverture bleue, cette fois, pour que les deux livres aillent ensemble, j’ai mis cinq ans à le réaliser. Ce sont des recueils de recettes simples et très personnelles qui tutoient les lecteurs, car je m’imagine dans leur cuisine, en train d’utiliser des ingrédients qu’ils ont sur leurs étagères tout en papotant avec eux. Ce deuxième tome retransmet surtout ma passion pour la cuisine italienne, plus particulièrement sicilienne.
L’amour de la cuisine m’est venu de Taty, ma grand-tante et marraine, qui m’a appris à pétrir le levain quand j’étais petite. J’ai grandi dans la campagne belge, où il y a plus de vaches que de gens. Mon père était expert-comptable, ma mère infirmière. Notre fratrie de trois menait une vie très champêtre – balades à vélo, cueillettes au verger, week-ends chez Taty, avec qui je faisais des soupes aux orties et des salades de pâquerettes. Je rentrais de chez elle en sentant l’ail à plein nez, ce que ma mère, qui avait une approche très chic et détachée de la cuisine, avait en horreur.
Dans les années 1990, mes parents nous ont emmenés quelques fois en vacances en Italie. J’ai adoré ces étés en Toscane. Adulte, j’ai commencé à aller régulièrement en Sicile. J’aime tout, là-bas. La mer, les paysages, la nourriture, bien sûr, l’huile d’olive, les fruits, les légumes, la cuisine simple et populaire, la langue italienne, les gens qui parlent fort, la journée coupée en deux par la sieste…
C’est en Sicile que j’ai goûté pour la première fois la polenta : un ami ancien restaurateur la préparait par kilos, puis la faisait refroidir toute la nuit sur une planche. Cela me fascinait. Certains disent que la polenta n’a pas de goût, mais j’y ajoute de l’ail, du parmesan, du basilic, j’en fais des croquettes. C’est un régal. Ça se mange chaud ou froid, ce n’est pas cher et très facile, ça s’agrémente de mille façons, notamment avec ce doux confit de tomates. C’est un plat qui me définit et qui me satisfait profondément. »