« Microvoyage », de Rémy Oudghiri : la chronique « essai » de Roger-Pol Droit

Le périple dure une journée, rarement plus. Pas de bagage, donc. Aucune obligation d’aller contempler un monument, un haut lieu, quoi que ce soit de remarquable et de recommandé. Il s’agit seulement de partir, quelque part, vers une destination proche, choisie selon l’humeur, presque au hasard. Aller jusqu’au bout n’est même pas certain. Car il est bien possible qu’on se retrouve happé, en cours de route, par une porte cochère, une cour intérieure, un jardin entrevu. A moins qu’on ne se retrouve capté par une boutique insolite, une ruelle improbable ou un cri au loin.

Tel est le « microvoyage » pratiqué chaque semaine, depuis des années, par le sociologue Rémy Oudghiri. Petite balade, grand dépaysement. Quelques heures, quelques kilomètres, rien de grandiose, mais une multitude d’aventures secrètes – esthétiques, affectives, poétiques, voire métaphysiques – qui valent largement la frénésie des bouts du monde. A l’opposé de ceux qui reviennent de loin sans avoir vu grand-chose, le microvoyageur cherche à découvrir la présence sidérante du réel au coin de la rue. A condition de faire un pas de côté et de regarder autrement. Question d’attitude, d’état d’esprit, de disposition mentale, plutôt que de terre lointaine.

Ce voyage en proximité inconnue constitue une forme brève de la grande expédition dépaysante, une sorte de haïku du long périple initiatique. Avec Microvoyage, Rémy Oudghiri propose de sa passion une séduisante défense et illustration, qui fait suite notamment à La Société très secrète des marcheurs solitaires et à L’Echappée belle. L’art de s’évader un peu chaque jour (PUF, 2022 et 2023). Il explique comment cette habitude lui est venue, depuis une jeunesse à Casablanca jusqu’aux découvertes des univers de Paris. Il en énonce les règles pratiques et les préceptes fondateurs. Chemin faisant, il se découvre aussi quantité de frères littéraires, marcheurs-rêveurs, écrivains-promeneurs, qui accompagnent les différents chapitres, de Rousseau à Peter Handke, de Baudelaire à Aragon, en passant par Virginia Woolf et plusieurs autres.

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