Dans l’Europe en guerre de 1631, il semble impensable qu’un fléau tel que la peste ravage la Toscane sans que la responsabilité en incombe aux hommes, trop tièdes dans leur foi, dissolus dans leurs mœurs. Sans doute, pour apaiser la colère de Dieu, faut-il des litanies de prières et de processions, mais cela ne peut suffire pour garantir l’exemplarité du couvent San Matteo d’Arcetri, près de Florence, qu’on soupçonne de favoriser des rencontres galantes. Or c’est là que le savant Galilée (1564-1642) a placé ses filles illégitimes, faute de pouvoir les établir hors du cloître, et là aussi qu’il a offert une lunette astronomique, placée dans le beffroi au pied duquel on retrouve le corps sans vie de sœur Agnese. L’envoyé du grand-duc de Toscane, le chanoine Cini, en charge de l’enquête sur les dérives supposées du lieu, change très vite de priorité : l’hypothétique suicide de la nonne passe au second plan, laissant place à la confrontation avec Galilée, qui fut naguère son maître.
Le moment est crucial : la démarche scientifique change avec le développement des possibilités d’observation. Si, à ce jeu, les oracles anciens risquent la péremption, les débats restent en suspens et le soutien du pape Urbain VIII aux vues de Galilée comme les réticences de la Compagnie de Jésus n’empêchent pas chacun d’admettre que « la volonté de Dieu est obscure et céleste » – et donne son titre au nouveau roman de Marco Malvaldi. La joute entre Cini et Galilée est courtoise mais intense, et les stratégies de chacun fluctuantes. Aussi, en vue de l’édition tant attendue du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, que le pontife a commandé à Galilée pour y confronter les positions de Ptolémée et de Copernic, le savant ne cesse de remanier son texte, confiant à sa fille Virginia, devenue sœur Maria Celeste, ses travaux qu’elle met au propre, en y laissant à dessein des erreurs. Et quand Cini s’en étonne, le maître rétorque, aussi malicieux que pragmatique, « qu’il n’y a rien de plus satisfaisant, pour l’esprit humain, que de trouver une erreur chez autrui ». Si l’avenir prouvera que cette astuce ne préserve pas des sanctions du pouvoir, ce n’est pas là la clé du mystère de la mort de sœur Agnese, qui ne se révèle qu’au détour des investigations croisées, quand se joue l’avenir du couvent.