Au Kenya, au moins dix morts dans de nouvelles manifestations antigouvernementales

Au moins dix personnes ont été tuées et des centaines d’autres arrêtées, lundi 7 juillet, au Kenya, lors d’une nouvelle journée de manifestations antigouvernementales marquée par des affrontements avec les forces de l’ordre, selon la Commission nationale des droits humains (KNCHR) et la police.

La KNCHR, institution publique indépendante, a accusé la police de coopérer avec des bandes criminelles, alors que les forces de sécurité avaient été déployées en grand nombre pour couper les principales voies d’accès à Nairobi, dont les rues étaient vides.

La Journée Saba Saba (« sept, sept », en swahili, pour 7 juillet) commémore chaque année le soulèvement du 7 juillet 1990, lorsque les Kényans ont manifesté pour l’instauration du multipartisme durant le régime autocratique de Daniel arap Moi (1978-2002). Cette année, cet hommage est venu s’ajouter à une vague de contestation contre les taxes, la corruption, la pauvreté, les disparitions forcées et les brutalités policières sous la présidence de William Ruto.

Dans un communiqué, la KNCHR dit avoir « documenté dix morts, 29 blessés (…), dans 17 comtés » du pays, sans plus de précisions. La police nationale a déclaré dans un communiqué avoir dénombré 11 morts et 63 blessés, dont 52 policiers et 11 civils.

Lundi après-midi, la tension était montée d’un cran en périphérie de Nairobi, où des affrontements sporadiques ont opposé des policiers à des groupes de jeunes hommes, les premiers répondant aux jets de pierres des seconds par des tirs de gaz lacrymogène, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Autour d’une voie d’accès au centre-ville, des jeunes retenus par la police scandaient « Ruto doit partir », cri de ralliement du mouvement. Le quartier a subi destructions et pillages.

Dans la matinée, sous une fine bruine, le centre-ville de Nairobi, haut lieu des rassemblements ces derniers mois, était désert en dehors de quelques passants, de boda-boda (motos-taxis) et de policiers. De nombreux commerces étaient fermés. « Je n’ai jamais vu le centre-ville comme ça », a constaté Edmond Khayimba, agent de sécurité de 29 ans.

Les télévisions locales ont montré des rassemblements limités dans plusieurs villes du pays, où la police a parfois déployé des canons à eau.

Les dernières manifestations, le 25 juin, au départ pacifiques, avaient déjà été marquées par des affrontements et des pillages dans le centre-ville. Dix-neuf personnes avaient été tuées et 500 arrêtées. L’exécutif affirme avoir « déjoué un coup d’Etat », tandis que les manifestants l’ont accusé de payer des vandales armés pour discréditer leur mouvement.

Dans son communiqué de lundi, la KNCHR a noté la présence de « bandes criminelles maniant des armes rudimentaires, dont des fouets, des massues en bois, des machettes, des lances, des arcs et des flèches ». A Nairobi, « ces bandes cagoulées ont été vues opérant aux côtés de policiers », ajoute-t-elle.

Un porte-parole de la police, Michael Muchiri, a déclaré à l’AFP que les communiqués de la KNCHR « sembl[aient] manquer de réalité factuelle », assurant que la police « ne travaillerait jamais aux côtés (…) d’éléments criminels ». Dans un communiqué ultérieur, il a annoncé sans plus de détails que 567 personnes avaient été arrêtées. Dimanche, un gang armé a attaqué le siège de la KNCHR, où se tenait une conférence de presse pour réclamer la fin des brutalités policières.

Les rassemblements du 25 juin devaient rendre hommage aux plus de 60 victimes du mouvement citoyen inédit de 2024, qui avait culminé, à la même date l’an dernier, avec une brève prise du Parlement par les manifestants, essentiellement des jeunes de la génération Z.

Pour beaucoup urbains, instruits et connectés, ils réclamaient le retrait d’une loi budgétaire controversée ainsi que le départ du président Ruto, élu en 2022 en promettant de défendre les plus démunis face au coût de la vie et au chômage.

« Le gouvernement devrait être responsable. Les jeunes manifestent pour beaucoup de choses comme l’accès à la santé », affirme lundi Rogers Onsomu, un boda-boda de 32 ans venu pour travailler. « Ce que [Ruto] a promis au pays, il ne le réalise pas. Ce slogan de “Ruto doit partir” nous ne le lâcherons pas, nous le ferons vivre chaque jour », ajoute-t-il.

Les organisations de défense des droits humains, notamment Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International, ont dénoncé la réponse des autorités, tandis que les Nations unies ont déploré les violences, appelant au calme et à l’ouverture d’enquêtes « indépendantes et transparentes ».

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