Le Parlement a adopté à l’unanimité, lundi 7 juillet, une loi permettant la restitution du tambour parleur Djidji Ayôkwé à la Côte d’Ivoire, volé par la France il y a plus d’un siècle, et officiellement réclamé par Abidjan depuis six ans.
Ce vote permet de déclasser ce bien culturel, en dérogeant au principe d’inaliénabilité des collections publiques, ouvrant la voie à sa restitution dans l’année. Il contribue à « la réparation d’une extorsion », selon Bertrand Sorre (Renaissance), rapporteur du texte. A cette occasion, de nombreux députés ont appelé à débattre au plus vite d’une loi-cadre, promise par Emmanuel Macron, pour faciliter et accélérer les restitutions d’œuvres pillées pendant la colonisation.
« Je sais que l’essentiel des attentes se porte aujourd’hui vers la loi-cadre », a déclaré, à la tribune, la ministre de la culture, Rachida Dati, affirmant que le gouvernement présentera ce texte « d’ici à la fin du mois de juillet », avec un examen en première lecture au Parlement « dès l’automne ». Mme Dati, qui avait déclaré en mars ne pas souhaiter que ce texte serve de « repentance idéologique », a redit lundi vouloir éviter « toute instrumentalisation des débats ».
A la tribune, des députés de gauche ont au contraire appelé la France à regarder en face son passé colonial. « La restitution que nous votons aujourd’hui n’est pas une faveur, c’est une réparation. Il est temps que l’on enseigne l’histoire coloniale dans toute sa complexité, dans toute sa brutalité et surtout dans sa vérité », a déclaré la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Fatiha Keloua Hachi (Parti socialiste).
« La domination ne s’efface pas avec le temps et elle se perpétue tant qu’elle n’est pas reconnue, réparée », a renchéri l’écologiste Sabrina Sebaihi. « Tout ce qui a été pillé et volé doit être restitué comme autant de preuves tangibles que la France sait regarder son passé en face », a-t-elle ajouté. A l’inverse, le député Frédéric-Pierre Vos, a déclaré que son groupe (Rassemblement national) voterait en « faveur de cette restitution sans moraline, sans repentance ».
Le député Les Républicains Sébastien Martin, tout en appelant de ses vœux la restitution du tambour, a rappelé l’attachement de son groupe à ce que la « France demeure un carrefour universel de la culture », avec des musées comme celui du Quai Branly ou le Louvre, où « le patrimoine mondial est rendu visible au plus grand nombre, où il est protégé et transmis ».
« Le retour du Djidji Ayôkwé, s’intègre dans une vision plus large : celle d’une réappropriation culturelle qui se traduit entre autres par la réhabilitation du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire et un partenariat scientifique avec le Musée du quai Branly - Jacques-Chirac », a déclaré dans un communiqué le ministère ivoirien de la culture.
Mesurant plus de trois mètres de long et pesant 430 kilos, cet instrument sacré servait à transmettre des messages rituels et à alerter les villageois, par exemple lors des opérations de recrutement forcé ou d’enrôlement militaire. Saisi en 1916 par les autorités coloniales auprès de l’ethnie Ebrié, il avait été envoyé en France en 1929, exposé au Musée d’ethnographie du Trocadéro puis à celui du quai Branly. Restauré en 2022, il est aujourd’hui conservé, dans l’attente de son retour. Sa restitution répond à un engagement pris par Emmanuel Macron en 2021.