Trois visions excentriques de la haute couture

Pour nombre de designers, la haute couture est synonyme de robes de princesse. Mais lors de cette saison automne-hiver 2025-2026, présentée jusqu’au 10 juillet à Paris, trois d’entre eux ont proposé leur vision excentrique de la discipline, sans renoncer aux prouesses techniques.

Robert Wun s’est inspiré du « chaos » qui agite The Mark, l’hôtel new-yorkais où les invités se préparent avant le gala du Metropolitan Museum of Art. « J’y ai participé pour la première fois en 2024, et j’ai pu voir le niveau d’anxiété des stylistes, des coiffeurs, des maquilleurs… Cela m’a questionné : pourquoi prend-on la mode autant au sérieux ? » Le créateur britannique a cherché à traduire en vêtements cette tension et les différents préparatifs, depuis le réveil jusqu’à la soirée.

Cela donne des tenues plus dramatiques les unes que les autres : sur une volumineuse robe blanche, les strass vermillon épars se confondent avec des taches de sang ; des robes rigides, pointues à l’avant et à l’arrière, révèlent un profil géométrique ; d’autres, à basques, agrémentées de bras sculptés au niveau des épaules, donnent aux mannequins des airs de Shiva. « La mode ne peut pas se résumer à du divertissement. Les gens avec lesquels je travaille tous les jours sont des artisans, et ils ne font certainement pas ce métier pour être célèbres », affirme Robert Wun, dont les idées folles sont mises en valeur par une exécution parfaite.

Viktor & Rolf a imaginé une collection pour laquelle chaque modèle a été produit en deux versions : la première est rembourrée de plumes, la seconde est vide. La mise en scène du défilé facilite la comparaison, la variante dégonflée arrivant en même temps que l’originale gonflée. Les fausses plumes, entièrement réalisées à la main et dépassant parfois du tissu, se parent de couleurs vives, tranchant avec le noir des vêtements.

Des tenues qui paraissent extravagantes deviennent normales sans leur garniture – de simples robes drapées. « La transformation du vêtement est centrale dans notre travail, explique le duo néerlandais. En 1998, nous avions déjà exploré l’idée de volume, avec des silhouettes qui reproduisaient l’effet de la bombe atomique. L’idée ne nous a pas quittés et nous voulions aller plus loin. » Pour ce faire, quoi de plus approprié que les plumes, qui représentent à la fois « la haute couture et la liberté » ?

Il est aussi question de panache chez leur compatriote Ronald van der Kemp. « C’est une collection sur les animaux et les oiseaux en particulier parce qu’on est en train de perdre foi en l’humanité. On devrait davantage regarder la nature, qui donne de l’espoir et qui est belle. La beauté, c’est la seule manière de toucher les gens aujourd’hui », estime le designer.

Dans le monde très excessif de la haute couture, le Néerlandais fait partie des rares créateurs à afficher des ambitions aussi bien créatives qu’écologiques : tous les vêtements de sa marque RVDK sont fabriqués à partir de matières déjà existantes. Les oiseaux de paradis qu’il envoie sur le podium ont du caractère, avec leurs robes bustiers composées de patchworks de tissus animaliers aux coutures apparentes, leurs fourreaux en soie colorée peints à la main, ou leurs vestes en bandelettes de mousseline et d’organza de soie. Toutes les silhouettes ne sont pas aussi abouties. Les plus belles sont celles sur lesquelles on distingue le travail de la main et la patine du temps.

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