« Sortir de terre », de Seloua Luste Boulbina : le feuilleton littéraire de Tiphaine Samoyault

Sortir de terre se présente comme une pérégrination, un voyage parfois lointain, à la rencontre du végétal, des relations que celui-ci noue avec les humains et que les plantes nouent entre elles. Le livre s’inscrit dans une tradition philosophique de la relation au végétal, où Rousseau – qui dit « raffole[r] de la botanique » – occupe une place importante, tout comme, la chose est plus inattendue, Hegel, qui s’intéresse au processus d’élaboration de la plante et à la métamorphose. Mais Seloua Luste Boulbina ne pérégrine pas seulement dans les classiques de la philosophie occidentale. Elle voyage vers d’autres pensées des plantes et des fleurs, à la source de certains mythes, là où l’on en fait encore des monnaies vivantes.

L’igname, en pays kanak, est de celles-ci. Elle est porteuse de lien social, fait l’objet de soin et a de la valeur. Elle a une tête, comme un animal et, dans certains rituels, on la rattache à la chair des ancêtres. Seloua Luste Boulbina entend réinvestir le végétal de ses significations profondes, au-delà du langage des fleurs ou de toutes les métaphores qui lui sont associées. Elle le fait avec de nombreuses ressources qui rendent son livre divers et réjouissant : récits, œuvres d’art, reproductions d’herbiers et de dessins d’agronomie tropicale et surtout connaissance intime de ses terrains de recherche, en Afrique, en Océanie et dans la Caraïbe. Spécialiste des arts et des pensées africaines, de Frantz Fanon à Achille Mbembe, autrice notamment de L’Afrique et ses fantômes (Présence africaine, 2015) et du Singe de Kafka et autres propos sur la colonie (Les Presses du réel, 2020), elle relie les Sud entre eux et cherche à penser philosophiquement la décolonisation – dont elle dit qu’elle est moins un processus qu’un travail inlassable.

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