Plus de 3 000 fûts de déchets radioactifs cartographiés dans l’Atlantique Nord-Est

Une équipe de scientifiques a dressé une carte de 3 350 fûts de déchets radioactifs immergés qui jonchent le fond de l’Atlantique Nord-Est, sans constater pour le moment de radioactivité anormale, ont-ils déclaré vendredi 11 juillet à leur retour à Brest. Menée à bord du navire L’Atalante, de la flotte océanographique française, cette expédition baptisée Nodssum visait à cartographier la zone d’immersion principale de milliers de fûts de déchets radioactifs, immergés par des pays européens entre 1946 et 1993.

Ces immersions étaient considérées à l’époque comme une solution normale de gestion des déchets issus de l’industrie nucléaire. La mission a exploré une zone précise située dans les eaux internationales, à 1 000 kilomètres au sud-ouest de Brest et à 650 kilomètres au nord-ouest de La Corogne (Espagne). Les chercheurs ont pu scruter la zone grâce au sonar à très haute résolution du submersible autonome Ulyx de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), qui a réalisé à cette occasion sa première mission scientifique. En seize plongées, Ulyx a cartographié 3 350 fûts répartis sur 163 kilomètres carrés.

Une cinquantaine de fûts ont été photographiés dans un état de conservation variable, avec une surface corrodée et colonisée par des anémones. « Il y a des fûts quasiment intacts et d’autres extrêmement dégradés », a décrit Patrick Chardon, cochef de la mission et ingénieur en métrologie nucléaire (CNRS, université Clermont Auvergne).

Des fuites de matière inconnue, probablement du bitume, ont également été constatées sur certains fûts. Les outils de mesure de radioprotection ont fait état de valeurs du même niveau que le bruit de fond environnemental. « C’est plutôt rassurant », a reconnu M. Chardon, « mais on ne s’attendait pas à constater de radioactivité très conséquente, vu les distances auxquelles on a opéré. »

L’équipe comptait des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique, de l’Institut de recherche pour le développement et d’autres venus de l’université de Bergen (Norvège), du Thunen Institute (Allemagne) ou de l’Université Mémorial de Terre-Neuve (Canada).

Les 21 scientifiques ont prélevé plus de 300 échantillons de sédiments dans la vase à 150 mètres des fûts. Ils ont capturé 17 grenadiers, des poissons vivant dans les abysses, et remonté 5 000 litres d’eau. Ces prélèvements vont faire l’objet de mesures très fines en laboratoire dans les prochains mois pour évaluer leur contamination éventuelle par des éléments radioactifs.

Une seconde mission doit être organisée d’ici un ou deux ans pour approcher au plus près des fûts et y prélever des organismes marins. En fonction des résultats, « on va pouvoir estimer s’il faut faire une évaluation plus rapprochée à l’avenir » de ces décharges en mer, souligne le chercheur. A terme, l’objectif n’est pas de remonter ces fûts, ce qui serait « technologiquement possible » mais avec un « coût absolument monstrueux », explique M. Chardon.

La convention de Londres de 1993 a interdit les immersions de déchets radioactifs en mer. Jusqu’à cette date, plus de 200 000 fûts remplis de déchets radioactifs ont été jetés par plusieurs Etats européens dans la plaine abyssale de l’océan Atlantique Nord-Est, dans les eaux internationales, à plus de 4 000 mètres de profondeur. L’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse ont participé à ces immersions.

« On ne sait pas du tout ce qu’il y avait dedans. Il n’y avait pas de traçabilité à l’époque », souligne M. Chardon, en ajoutant qu’il s’agirait a priori de déchets à faible activité, comme des déchets de laboratoires, des boues de traitement ou des tuyaux contaminés.

L’espace laissé vide dans les fûts était comblé par du ciment ou du bitume. Seuls l’ex-URSS et les Etats-Unis ont immergé d’autres types de déchets radioactifs, comme des cuves de réacteurs nucléaires contenant, pour certaines, du combustible nucléaire, selon l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

En juin 1984, le Commissariat à l’énergie atomique et l’Ifremer avaient déjà effectué une campagne photographique sur la même zone d’immersion en Atlantique Nord, à 4 500 mètres de profondeur : six conteneurs avaient été photographiés et semblaient intacts, mais avec des marques de corrosion.

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