Le Nouveau Front populaire peut-il annuler une partie de la réforme des retraites s’il arrive au pouvoir ?

Sur le papier, la mesure a l’air simple, mais les conditions de sa mise en œuvre donnent lieu à un débat nourri. Quelques minutes après la divulgation des premières estimations quant au résultat des élections législatives, Jean-Luc Mélenchon l’a réaffirmé avec force, dimanche 7 juillet : le report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite, qui a été introduit en 2023, sera abrogé, « dès cet été », par un décret, si le Nouveau Front populaire (NFP) gouverne le pays. La déclaration du leader de La France insoumise est toutefois matière à interrogation, plusieurs fins connaisseurs du dossier estimant qu’il faut une loi pour supprimer cette disposition aussi emblématique qu’impopulaire.

C’est l’un des « actes de rupture » que le NFP s’engage à réaliser dans les « quinze premiers jours » pour « répondre à l’urgence sociale », s’il prend le pouvoir : tirer un trait sur les « décrets d’application de la réforme d’Emmanuel Macron » qui ont relevé de 62 à 64 ans l’âge d’ouverture des droits à une pension. Le programme des partis de gauche cible ainsi l’article 10 de la loi du 14 avril 2023, qui a revu en profondeur les règles de notre système par répartition. Précision importante : l’article en question prévoit également d’augmenter la durée de cotisation nécessaire à l’obtention d’une retraite à taux plein, pour certaines générations. Mais, étrangement, le NFP ne dit pas s’il compte aussi mettre un terme à ce mécanisme, synonyme d’efforts supplémentaires pour les tranches d’âge concernées.

L’idée d’annuler la retraite à 64 ans par décret est jugée illégale par des artisans de la réforme de 2023, qui s’expriment anonymement. Leur argument est le suivant : l’âge légal étant fixé par la loi, il faut une mesure législative pour le modifier – et non pas une mesure réglementaire, comme un décret. Professeur émérite de l’université Paris-II ­Panthéon-Assas, Michel Borgetto développe une analyse analogue : « Un décret ne saurait revenir sur la disposition de la loi portant progressivement à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite, une telle modification ou abrogation ne pouvant provenir que de la loi. »

Mais d’autres experts ont un avis différent. Maîtresse de conférences en droit social à l’université Lyon-II, Laure Camaji pense qu’« un décret peut immédiatement geler le relèvement de l’âge de la retraite ». De son côté, Emilien Quinart, maître de conférences en droit public à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, va plus loin en observant que, de 1985 à 2010, l’âge de départ à la retraite figurait dans la partie réglementaire du code de la Sécurité sociale, avant d’être inséré dans sa partie législative, à la suite d’une réforme promulguée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

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