Emmanuel Macron s’est révélé être un étonnant professeur de droit constitutionnel, peut-être même, sous la Ve République, celui qui aura laissé le plus de traces de leçons constitutionnelles sans cesse délivrées aux citoyens.
De la gestion de la réforme des retraites à l’Assemblée (articles 47-1 et 49.3) comme au Sénat (article 44.3) à la révision intégrant dans l’article 34 « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » (article 89), en passant par les conséquences de l’intervention du Conseil constitutionnel sur la loi « immigration » (article 61), les citoyens se sont successivement familiarisés avec de nombreux articles de la Constitution. Gageons cependant que chacun retiendra – et pour longtemps – l’usage arbitraire de l’article 12 confiant au seul président de la République le droit de dissolution.
Cette pratique intensive a évidemment dessiné un droit constitutionnel où la volonté présidentielle privilégie le raccourci institutionnel au profit d’une réelle tentation de captation du pouvoir.
En effet, en optant en permanence pour une optimisation extensive des mécanismes au détriment des contre-pouvoirs et au bénéfice de l’exécutif, est née une habitude délétère en ce qu’elle banalise la perte du sens constitutionnel. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas parce qu’une Constitution est écrite qu’elle ne peut souffrir de déformations. Les altérations stratégiques de nombreux articles ont touché le plus souvent à la fonction et à la place d’une institution ressentie par le président comme un mal nécessaire : le Parlement.
Or, au lendemain des élections législatives les plus électriques que la Ve République ait connues, se pose la question de savoir quel équilibre institutionnel va sortir de la mue forcée par les résultats. Car sans nul doute, une nouvelle leçon constitutionnelle commence, qui pourrait prendre la forme d’une invitation à organiser un régime parlementaire revitalisé. Face aux changements qu’il a provoqués, le président de la République gagnerait à lire la Constitution dans un esprit où son institution s’érigerait uniquement en pouvoir d’empêcher.
Qu’il laisse, par exemple, les enceintes du Palais-Bourbon et du Palais du Luxembourg trousser les compromis indispensables à une action gouvernementale. La seconde saura se conforter dans une irremplaçable fonction de solidité parlementaire face aux fracas médiatiques, et la première va, dans les prochains jours, éclairer la destinée de la législature. Les 18, 19 et 20 juillet, elle devra choisir son (sa) président(e), ses six vice-présidents, les trois questeurs et les huit présidents des commissions. Si rien n’est anticipé, le groupe le plus fort pourrait les récupérer, dans la mesure où au troisième tour de scrutin, la majorité relative suffit. A contrario, une recherche intelligente de compromis ouvrant par exemple la répartition des responsabilités au prorata du poids des groupes pourrait augurer de méthodes de travail novatrices et constructives. Cette pratique est habituelle en Allemagne ou en Italie sans que cela altère le fonctionnement de leurs assemblées. Bien plus, cette reconnaissance atteste de la maturité démocratique de leur système politique.