A force de creuser, les microscopiques grains de sable viennent se loger très profondément sous la matrice de ses ongles. Il ne sent presque plus le bout de ses doigts ; entre la brûlure et l’anesthésie. Tout pour ne pas regarder ses parents à quelques mètres devant lui, à nouveau main dans la main, s’embrassant comme si c’était la première fois, face aux rouleaux déferlants produisant leur fracas de révolution, s’émerveillant des variations de lumière sur l’océan, mains tendues vers l’horizon, articulant toujours les mêmes phrases, qu’à force il connaît par cœur.
Quand ils vont se promener sur la plage, pour « prendre un bol d’air », lui, depuis toujours, préfère regarder au sol, en quête de ses trésors. Surtout ici à Ocean Beach. C’est le royaume des dollars des sables, ces oursins ronds et plats, qui, au fond de l’eau, se tiennent à la verticale par centaines dans le sable, recouverts de courtes épines violettes formant comme un duvet. Et qui, une fois morts, blanchissent au soleil pour devenir ces squelettes-galets lumineux, un motif de fleur à cinq pétales en leur centre, sur lesquels les pieds des promeneurs viennent s’écraser et qu’il est donc difficile de trouver entiers.