« Oh ! elle est ouverte aujourd’hui ! » Une vingtaine de jeunes baigneurs, en vacances, sont venus du centre de loisirs municipal pour mettre les pieds dans l’eau chlorée. Ils lèvent les yeux. La piscine Raymond-Mulinghausen des Lilas (Seine-Saint-Denis) vient d’escamoter une partie de son toit coupole, faisant glisser deux pans de parois sur des rails courbes. La pluie, trublionne de l’été francilien, contraindra vite à refermer le dôme, mais l’effet de surprise est là : en quelques minutes le bassin se retrouve mi-couvert, mi-extérieur, découpant une généreuse tranche de plein ciel. L’urbaniste et architecte Julien Béneyt ne s’en lasse pas : « C’est toute l’ingéniosité de cette structure à l’esthétique unique : une rotule centrale soutenant les arcs et permettant la rotation des parois à 120 degrés », explique le quadragénaire, qui réside dans une ville voisine et mène régulièrement des visites guidées de cet « objet architectural » devenu une passion.
Edifié en 1976 sur un terrain de la commune des Lilas, aux portes de Paris, entre une zone pavillonnaire et un dépôt RATP, ce bâtiment est l’un des représentants, toujours en usage, des piscines dites « Tournesol », construites dans toute la France entre 1972 et 1982. Leur architecture très identifiable, une coupole faite de tuiles de plastique coloré (ici, en jaune) percées de hublots, semble sortie d’une bande dessinée de science-fiction.
Un design inoubliable pour ceux qui y ont appris à nager – notamment les champions olympiques Laure Manaudou et Alain Bernard –, devenu l’un des symboles de la préfabrication à la française et de la vogue du plastique des années 1960-1970. Soucoupe volante, champignon, igloo… la silhouette rétrofuturiste et les fenêtres oblongues de ce modèle d’équipement public lui ont valu bien des surnoms. Son concepteur, l’architecte français Bernard Schoeller (1929-2020), y voyait aussi une carapace d’oursin.