La mousson a détrempé les champs du Bengale-Occidental. Les rizières sont gorgées d’eau tandis que les plans de jute atteignent leur taille maximale sur cette terre fertile. En ce début août, pourtant, ce n’est pas la promesse de généreuses récoltes qui agite les esprits. La peur et le désespoir ont gagné les campagnes de cet Etat du nord-ouest de l’Inde, jusqu’à sa capitale, Calcutta.
A Paikar, dans le district de Birbhum, les parents de Sunali Khatun sont au supplice. Depuis un mois et demi, ils sont sans nouvelle de leur fille, 24 ans, enceinte de huit mois, de leur petit-fils de 8 ans et de leur gendre Danish Shekh. Ils savent juste qu’ils ont été expulsés vers le Bangladesh, le 24 juin. Le village familial étant bien trop pauvre pour offrir du travail aux jeunes, le couple a migré à Delhi, où Danish est chiffonnier. Il a été arrêté le 18 juin par la police, accusé d’être un immigrant illégal, un « Bangladeshi », sur le seul fait de parler le bengali, une langue commune au Bengale-Occidental et au Bangladesh.
Sa femme a fourni à la police les preuves de leur nationalité indienne ? carte d’identité et titre de propriété datant de 1956 ?, mais les policiers leur ont confisqué les documents ainsi que leurs téléphones, et ont placé toute la famille en détention. Le 24 juin, ils ont été transportés à la frontière, les yeux bandés et expulsés dans le district de Rajshahi. « Si vous essayez de revenir, on vous tue », ont menacé les agents de la police des frontières. Le couple a pu prévenir les parents grâce à l’aide d’un villageois. « Ma fille va accoucher, ils n’ont rien, pas d’argent, pas de vêtement », explique la mère de Sunali, qui tient dans ses bras le plus jeune enfant du couple, une fillette de 6 ans, restée au village.