Derrière les prospectus des boîtes aux lettres, 10 000 salariés de Milee (ex-Adrexo) redoutent la liquidation judiciaire

Il fut un temps où les salariés d’Adrexo bataillaient pour que les liasses de prospectus publicitaires à distribuer ne soient pas trop lourdes. « On demandait à avoir deux poignées de 500 grammes, plutôt qu’une d’un kilo, se remémore Daniel Vercier, salarié à Montpellier depuis quatorze ans, presque nostalgique. Maintenant, il n’y a plus rien ! »

La fragilité de cette entreprise, qui emploie 10 200 salariés, était apparue en 2021, lorsque, selon les territoires, plus d’un quart des citoyens n’avaient pas reçu la propagande des candidats aux élections départementales et régionales. Un fiasco tel qu’il avait donné lieu à la création d’une commission d’enquête au Sénat. Laquelle incriminait notamment les défaillances opérationnelles d’Adrexo, lauréate de sept des quinze lots de l’appel d’offres de ce marché public. La société, surendettée, avait recruté à la va-vite des intérimaires dépassés par l’ampleur de la tâche, révélait alors Le Monde.

Depuis, Adrexo, devenue Milee, n’est pas parvenue à redresser la barre. La situation de l’entreprise spécialisée dans la distribution de publicités dans les boîtes aux lettres s’est même délitée depuis le printemps, avec d’abord l’annonce d’un plan de licenciements de 3 700 postes en mars. Qui n’a pas eu le temps d’aboutir avant que, le 30 mai, Milee soit placée en redressement judiciaire. « La situation devient de plus en plus complexe et on ne voit aucune solution dans l’immédiat », résume Philippe Viroulet, délégué syndical central de la CAT Adrexo, qui, comme tous les salariés que Le Monde a interrogés, redoute la liquidation judiciaire.

Le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 30 mai a constaté l’état de cessation de paiement, et l’impossibilité pour la société de faire face à plus de 73 millions d’euros de passif exigible, des dettes qui auraient déjà dû être payées.

A cette occasion, le tribunal donnait rendez-vous au 3 juillet pour que la société lui communique des pièces complémentaires afin d’évaluer ses capacités financières, en particulier une note sur les comptes consolidés de sa holding, Hopps Group, dont il jugeait la situation « très préoccupante ». Entre-temps, cette dernière était elle-même placée en redressement judiciaire, le 27 juin.

Dans ses demandes, le tribunal exigeait aussi le bilan comptable du dernier exercice de Milee, sur l’année 2023, « certifié par son expert-comptable ». Tout sauf un détail. Car non seulement les comptes pour l’année 2022 n’ont été publiés qu’en février 2024, soit hors des délais légaux, mais les commissaires aux comptes se sont dit « dans l’impossibilité de certifier » qu’ils étaient « réguliers et sincères ».

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