Armin Papperger, patron du premier groupe d’armement allemand Rheinmetall, est devenu un personnage si central dans la défense allemande et les livraisons d’armes et de munitions à l’Ukraine qu’il est apparemment une cible pour Moscou. Selon une information la chaîne CNN, jeudi 11 juillet, la Russie aurait planifié d’assassiner le dirigeant, parmi d’autres cadres de l’industrie impliqués dans le soutien à Kiev. La chaîne américaine cite des sources proches des services secrets américains et occidentaux, qui auraient prévenu Berlin et M. Papperger.
Ni Rheinmetall ni le chancelier Olaf Scholz n’ont souhaité réagir, jeudi soir. La menace est inédite pour un patron qui est en train de faire de son groupe un industriel pivot dans l’industrie de la défense allemande et européenne. Début juillet, Rheinmetall a conclu une alliance qui consolide encore cette ambition : l’entreprise s’est alliée avec le géant de l’aéronautique et de la défense italien Leonardo dans une coentreprise pour développer des chars destinés à l’armée italienne, tout en visant également des débouchés européens. Cet accord est assorti d’une commande exceptionnelle de Rome de 20 milliards d’euros sur quinze ans, la plus grosse de l’histoire de Rheinmetall. En échange de quoi 60 % des pièces viendront d’Italie. Leonardo avait renoncé mi-juin à une coopération avec le franco-allemand KNDS.
Pour Rheinmetall, il s’agit de la troisième commande exceptionnelle en quelques semaines. Fin juin, le groupe de Düsseldorf avait signé avec l’armée allemande un contrat de 8,5 milliards d’euros pour la fabrication de munitions d’artillerie. Début juillet, l’industriel a remporté un autre contrat de 3,5 milliards d’euros pour des véhicules lourds de transport militaire.
Le développement du groupe depuis trois ans est sans équivalent : après une progression de son chiffre d’affaires de 12 % en 2023, à 7,2 milliards d’euros, l’entreprise de 34 000 salariés prévoit d’atteindre les 10 milliards d’euros en 2024. Son cours de Bourse a bondi de près de 400 % en cinq ans. Depuis mars 2023, il est coté au DAX, qui regroupe les quarante premières entreprises du pays présentes sur les marchés, une performance spectaculaire pour une entreprise longtemps jugée infréquentable par les investisseurs et les banques.
Le groupe de Düsseldorf profite bien sûr à plein de l’effort de réarmement qu’a déclenché l’agression russe en Ukraine. L’Allemagne, qui était très en retard dans ce domaine, est devenue un client privilégié. Selon ses estimations, Rheinmetall devrait engranger un tiers du fonds spécial de 100 milliards d’euros pour l’armée adopté par Berlin en février 2022, lors de l’annonce, par Olaf Scholz, de la « Zeitenwende » (« changement d’époque ») en matière de défense. Rheinmetall fait un effort particulier sur les munitions, qui manquent cruellement en Ukraine. Des investissements à hauteur de 1,3 milliard d’euros sont prévus pour augmenter les capacités de production dans plusieurs pays, dont l’Australie, la Roumanie, la Hongrie et surtout l’Ukraine, où une usine de véhicules blindés doit par ailleurs ouvrir dans les prochaines semaines.