Une semaine après sa nomination à Matignon, et à la veille d’une importante journée de mobilisation sociale, Sébastien Lecornu reçoit, mercredi 17 septembre, ses opposants politiques pour évoquer le budget 2026.
Reçue pendant près de deux heures, avec Jordan Bardella, Marine Le Pen a affirmé que c’était au nouveau premier ministre de « prouver qu’il [était] véritablement dans une rupture » avec « la politique macroniste ». « Pour l’instant, ses intentions restent des intentions et moi, je suis trop expérimentée pour m’en contenter. Donc je vais attendre de juger sur pièces », a ajouté la cheffe de file des députés du Rassemblement national à des journalistes devant Matignon. « Il y a des attentes très fortes aujourd’hui dans le pays et s’il poursuit la politique qui est menée jusqu’à présent, alors il tombera », a quant à lui mis en garde le président du parti d’extrême droite.
La journée de Sébastien Lecornu avait commencé avec la délégation du Parti socialiste (PS), composée de son premier secrétaire, Olivier Faure, des présidents des groupes parlementaires, Boris Vallaud et Patrick Kanner, et de la maire de Nantes, Johanna Rolland. Après deux heures d’entrevue, Olivier Faure a dit aux journalistes qu’ils avaient passé « un long moment à expliquer au premier ministre ce qu[’ils portaient] ». « A la veille d’un grand mouvement social, le message que nous devions porter était de dire que les Françaises et les Français doivent voir leur vie changée », a-t-il expliqué, appelant le premier ministre à revoir entièrement le projet de budget présenté en juillet par François Bayrou.
Les socialistes sont notamment venus avec un sondage IFOP commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures proposées par le PS. Parmi elles, la création d’une taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, la fameuse taxe Zucman, à laquelle 86 % des sondés sont favorables, dont 92 % des sympathisants Renaissance et 89 % des sympathisants LR. Sébastien Lecornu l’a, cependant, déjà exclue, tout en reconnaissant que « des questions de justice fiscale » devaient être posées.
« Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution [d’Emmanuel Macron]. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus. S’ils sont entendus, nous ne censurerons pas, s’ils ne le sont pas, nous censurerons », a prévenu Olivier Faure. Mais le premier secrétaire du PS a affirmé être resté « sur sa faim », car Sébastien Lecornu « n’a pas donné d’indices clairs sur quelque sujet que ce soit ».
« On n’a pas eu de réponses très claires », a renchéri la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, reçue en début d’après-midi. Donc « soit Sébastien Lecornu renverse la table, soit il sera renversé », a complété la cheffe de file des députés, Cyrielle Chatelain. La France insoumise a annoncé mardi avoir refusé l’invitation du premier ministre.
Sébastien Lecornu a déjà échangé, la semaine dernière, avec les responsables du « socle commun » formé par le camp présidentiel – Renaissance, MoDem et Horizons – et Les Républicains, ainsi qu’avec les syndicats et le patronat. Il a aussi reçu, mardi, le groupe centriste Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT). « Le premier qui doit bouger, c’est le gouvernement », a estimé Laurent Panifous, le président de ce groupe, notamment composé d’élus centristes, à l’Assemblée nationale.
François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un « conclave » sur la réforme des retraites, qui s’est soldé par un échec. Puis il a présenté, à la mi-juillet, un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait bondir l’opposition.
Ces entretiens à Matignon ont lieu sous la pression de la rue, alors qu’une mobilisation massive est attendue jeudi, de l’ordre de celles qui ont eu lieu contre la réforme des retraites, en 2023. A l’unisson des autres chefs de la gauche, le communiste Fabien Roussel a exhorté les Français à « sortir massivement » pour que leurs revendications viennent jusqu’aux « oreilles » de M. Lecornu. Les syndicats contestent, notamment, les mesures budgétaires « brutales » proposées par François Bayrou. Avant d’entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l’opinion, en annonçant notamment le retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés. Il a également consacré son premier déplacement, samedi, à l’accès aux soins, avant d’annoncer la suppression très symbolique, dès l’an prochain, des avantages octroyés aux ex-premiers ministres.
Autre point au cœur des discussions, l’ampleur de la réduction des dépenses. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a appelé, dimanche, à chercher un accord autour « de 35 à 36 milliards » d’euros d’économies, alors que François Bayrou escomptait 44 milliards. Le PS, lui, plaide pour une réduction de 21,7 milliards d’euros.
Parmi les mesures poussées par les socialistes et écologistes, la création d’une taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, la taxe Zucman qui enflamme le débat budgétaire. « Si on veut la stabilité, eh bien, il faut que les multimilliardaires payent leur juste part à l’effort commun », a martelé Raphaël Glucksmann, pour Place publique, tout en relevant qu’il ne semblait pas y avoir, chez Sébastien Lecornu, « un refus absolu de discuter de l’objectif » porté par la taxe Zucman.