Le soir de mars où il a appris qu’il était expulsé de l’armée, Yonathan a immédiatement téléphoné à son père. « J’étais au bord des larmes », se souvient ce réserviste israélien, qui demande à témoigner sous un prénom d’emprunt. Quelques heures auparavant, il s’était exprimé publiquement afin de dénoncer une guerre devenue inutile et source de dommages disproportionnés pour les soldats, les otages, les Palestiniens de l’enclave. Dans le même élan, il avait estimé que les appelés à Gaza ne devraient plus répondre aux convocations de l’armée israélienne, dont le gros des troupes est constitué de réservistes (plus de 400 000 personnes, pour seulement 170 000 soldats d’active).
La situation de ce jeune homme est extrême : très peu de militaires ont été rayés des cadres pour insubordination. Mais sa tristesse, son angoisse et son indignation donnent un aperçu des dilemmes qui traversent ce corps indispensable au fonctionnement de l’armée israélienne.
Comme lui, beaucoup ont servi leur pays avec enthousiasme, avant de s’interroger sur le sens de ce conflit qui les conduit à retourner encore et encore sur le terrain, sans plus en voir la nécessité ni l’issue : non seulement la guerre de représailles lancée contre la bande de Gaza, au lendemain du 7 octobre 2023 et des massacres commis par le Hamas, ne s’interrompt pas, mais elle prend de l’ampleur.
Dans le cadre de l’opération « Chariots de Gédéon », qui vise à prendre le contrôle de la ville de Gaza, l’état-major a annoncé le rappel de 60 000 réservistes, le 20 août, tout en prolongeant l’engagement de 20 000 autres. Mardi 16 septembre, l’offensive terrestre s’est intensifiée, faisant plusieurs dizaines de morts palestiniens en quelques heures.