Quand la porte d’embarquement de leur vol s’affiche, mardi 4 novembre, dans le hall de l’aéroport de Montego Bay (paroisse de Saint James), en Jamaïque, c’est le soulagement. « Rentrer en France, à la maison… », Monique et Anne Baumann en rêvent depuis « le cauchemar des trente heures passées dans l’obscurité dans un placard de 2 mètres sur 1, à croire [leur] dernière heure venue ». A l’évocation de ce moment de panique, les larmes glissent sur les joues des deux sœurs de 53 et 60 ans. Pourtant, ce séjour dans un hôtel avec plage privée, piscine, face à la cristalline mer des Caraïbes, dans la mythique île des Antilles, Anne Baumann, la plus jeune, en rêvait depuis vingt ans.
Le 28 octobre, l’ouragan Melissa, le premier à toucher terre en catégorie 5 en Atlantique, causant la mort d’au moins 32 personnes dans le pays et de 76 dans les Caraïbes, les a prises au dépourvu. Au plus fort du cataclysme, les deux femmes se barricadent dans une salle de bains, un matelas contre la baie vitrée qui menace de rompre face à des rafales de 300 kilomètres-heure et aux pluies diluviennes qui les accompagnent. Après le passage de l’ouragan, les deux touristes prennent peur : dans une ambiance chaotique, des habitants démunis et hagards cherchent de la nourriture, et se montrent insistants. Elles ne se risquent plus hors de leur hôtel. Le séjour de rêve a laissé place à un traumatisme. « Les voyages, c’est fini pour moi », promet Monique Baumann.
En Jamaïque, où le tourisme représente près de 30 % du produit intérieur brut (PIB) et une source de devises majeure, on redoute par-dessus tout cette désaffection. Sans le redressement rapide du secteur, l’île, au niveau de développement assez voisin du Maroc, risque de plonger. Avant Melissa, le gouvernement tablait sur une croissance de 7 % du secteur touristique cet hiver et comptait accueillir 4,3 millions de visiteurs (pour 2,8 millions d’habitants).