Jerome Charyn, romancier : « La Cour suprême, qui rêve de couronner Trump, a sans le vouloir fait de Biden un roi, aussi fragile soit-il »

Les Etats-Unis sont en proie à une crise constitutionnelle. La Cour suprême a rendu un arrêt, le 1er juillet, selon lequel aucun acte officiel émanant d’un président en exercice ne saurait être considéré comme un crime. Le président peut mentir, voler ou tuer en toute impunité. Il peut vendre des secrets d’Etat à une puissance étrangère et ne pas avoir à en subir les conséquences. Il peut jeter ses rivaux en prison, étouffer toute opinion dissidente et commanditer l’assassinat de dirigeants étrangers qui ne trouveraient pas grâce à ses yeux. L’étendue de son pouvoir est sans limites.

Les Pères fondateurs n’avaient pas envisagé de s’asseoir aux pieds d’un président-roi. Ils ont mis au point un système de contre-pouvoirs destiné à s’élever contre un président qui utiliserait sa fonction à des fins personnelles. La Constitution que James Madison et quelques autres Pères fondateurs présentèrent au peuple en 1787 est loin de la perfection. Comment pourrait-il en être autrement ? L’esclavage était un fait avéré. Quant aux femmes, elles n’avaient pas plus de droits que du bétail. De tels défauts ont pavé le chemin vers la désastreuse guerre de Sécession, un conflit qui n’a jamais vraiment pris fin. Nous avons toujours la même division entre deux Amérique, bien que le contexte ait changé. Pourtant, contre vents et marées, ce qui ressemble à une nation a réussi à survivre pendant plus de deux siècles.

Et puis nous avons eu l’arrivée de Donald Trump, qui a complètement bouleversé l’idée même de présidence. On serait presque tenté d’admirer le culot de notre premier président desperado s’il n’avait pas causé tant de mal. Qui sait combien de gens sont morts à cause de sa gestion de la crise due au Covid-19 et des remèdes de charlatan qu’il préconisait ?

Alors que d’autres présidents ont mis leurs avoirs dans des fonds fiduciaires sans droit de regard, Donald Trump s’est servi de son pouvoir et du prestige lié à sa fonction pour acheter et revendre des biens comme s’il jouait au Monopoly depuis la Maison Blanche. Et impossible de lui faire lâcher prise. Quand il a échoué à se faire réélire face à Joe Biden, il a prétendu que l’élection était truquée et a poussé ses partisans à l’insurrection. D’autres que lui ont souffert. Trump a survécu.

Le nombre de chefs d’accusation portés contre lui n’a apparemment pesé en rien. La Cour suprême semble avoir pris fait et cause pour lui. Trump a nommé trois des juges lui-même, sur les conseils de l’ultraconservatrice Federalist Society. La Fondation Heritage [puissant laboratoire d’idées conservatrices basé à Washington] a préparé un projet de neuf cents pages dans l’optique d’un retour de Donald Trump à la Maison Blanche, baptisé « Project 2025 ». Kevin Roberts, le président de la fondation, en a résumé l’objectif en quelques mots. Selon Roberts, « nous sommes engagés dans une seconde révolution américaine, qui évitera toute effusion de sang si la gauche la laisse advenir ». Cette remarque n’est rien d’autre qu’un cri de guerre déguisé.

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