IVG : en Italie, les alliés de Giorgia Meloni s’attaquent à la loi 194

Quarante-six ans après sa publication, la loi 194 « pour la protection sociale de la maternité et l’interruption volontaire de grossesse » fait encore parler d’elle de l’autre côté des Alpes. Le sénateur Maurizio Gasparri, chef du groupe Forza Italia – au pouvoir au côté des formations d’extrême droite Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni et La Ligue de Matteo Salvini –, a présenté la semaine dernière une proposition de loi pour un « revenu de maternité ». Il consiste à accorder 1 000 € par mois pendant cinq ans aux Italiennes qui décident de garder l’enfant et dont le revenu annuel est inférieur à 15 000 €. Le projet du sénateur Gasparri s’ajoute à d’autres propositions des membres de la coalition, quatre durant les trois premiers mois du mandat de Giorgia Meloni. Les partis d’opposition et les mouvements pro-choix se sont élevés contre cette proposition.

La proposition difficilement chiffrable, reconnaît le sénateur lui-même, ne sera probablement jamais approuvée. Elle s’inscrit dans un contexte plus large des débats autour de l’IVG. En avril dernier, par un amendement au texte relatif à la mise en œuvre du Plan national de relance et de résilience (PNRR), le Parlement italien a confirmé une prérogative des régions afin qu’elles puissent recourir aux associations « pour la protection de la maternité ». Cette collaboration serait assurée au sein des centres de consultation familiaux (équivalents italiens du planning familial) où les femmes pourront s’informer et être accompagnées dans leur choix.

« Sur le plan matériel, la mesure n’ajoute rien à une situation déjà existante, bien qu’il y ait des différences en fonction des régions», précise Paola Stelliferi, chercheuse en histoire contemporaine à l’Université de Padoue. « Cependant, elle a une portée symbolique forte, avec pour résultat d’amplifier et de renforcer la voix des associations anti-avortement, en augmentant leur marge de manœuvre durant la période d’attente de sept jours prévue par la loi avant que la femme puisse accéder à l’IVG. »

« Si l’on s’en tient à la formulation de la loi sur l’IVG, ces associations devraient intervenir après la naissance de l’enfant, pendant la maternité justement », rétorque Giorgia Alazraki, vice-présidente de l’association des gynécologues non-objecteurs Laiga. Militants comme membres de l’opposition accusent tour à tour les gouvernements successifs de ne pas prendre assez de mesures de soutien à la parentalité et aux plannings familiaux publics, en manque de moyens financiers et humains après les coupes budgétaires et la crise sanitaire.

La première ministre Giorgia Meloni a réitéré sa volonté de ne pas toucher au droit à l’avortement, et ce malgré ses arguments en faveur de la famille dans ses discours pendant la campagne électorale. Maurizio Gasparri, habitué des propositions de loi sur ce sujet, comme celui de reconnaître le statut juridique de l’embryon, affirme vouloir « décourager l’IVG liée aux difficultés économiques et sociales ».

« Il faut reconnaître que la majorité a raison. Certains passages de la loi 194 sont ambigus et se prêtent à différentes interprétations. Ce texte est le résultat d’un compromis parlementaire complexe, d’une médiation délicate entre le Parti communiste italien et la Démocratie chrétienne en 1978. Surtout, c’est une loi dédiée en premier lieu à ’’la protection sociale de la maternité’’, qui voit l’avortement comme une renonciation dramatique à celle-ci », ajoute Paola Stelliferi. Le gouvernement fait l’impasse sur le fait que cette loi prévoit aussi la liberté de choix pour les femmes.

L’Italie connaît une diminution du nombre d’avortements avec un peu moins de 64 000 IVG en 2021, soit une baisse d’environ 4 % par rapport à 2020, selon les chiffres du ministère de la santé. Le taux d’avortement en Italie, est l’un des plus bas au monde, une situation qui s’explique par le développement de la contraception et le vieillissement de la population féminine notamment. L’accès à l’IVG reste cependant difficile dans certaines régions italiennes. Le refus des médecins de pratiquer l’IVG est permis par la loi. Dans le sud du pays, il peut atteindre près de 80 %.

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