Le mardi 9 juillet, le ministère de l’éducation nationale a publié les résultats des concours de recrutement d’enseignants en 2024. Certains progrès ont été enregistrés, par exemple en mathématiques, où la pénurie de professeurs recule : 79,9 % de postes devront être pourvus à la rentrée prochaine, contre 76 % en 2023. Cette bonne nouvelle arrive même si le manque général de bras persiste néanmoins : dans l’éducation nationale, 3 000 postes resteront non pourvus en septembre.
Dans ce paysage morose, un constat surprend : l’enseignement privé tire mieux son épingle du jeu. Alors même que l’inverse a toujours été la règle, jusqu’en 2020. Dans le détail, seuls 260 postes devraient y rester vacants en septembre, estime le ministère, contre 1 350 dans le public, soit un manque d’enseignants en proportion des effectifs moins aigu.
« Notre concours reste réellement sélectif », confirme de son côté Yann Diraison, au Secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec). Il cite l’exemple des futurs professeurs des écoles : « On a 11 candidats inscrits aux épreuves d’admissibilité pour 1 poste, contre 5 dans le public. Comme on sait qu’en moyenne 50 % des élèves inscrits ne se présentent pas le jour des épreuves, pour ce qui est du public, cela signifie qu’ils n’ont plus que 2,5 candidats par poste à l’admissibilité. Cela laisse très peu de choix au moment de l’admission. »
Comment en est-on arrivé à un tel écart ? Les facteurs sont multiples. « Il est compliqué de comparer les rendements de nos concours, car nous se sommes pas exactement dans la même situation que le public, alerte Yann Diraison. Tous nos candidats sont motivés, là où passer les concours du public est parfois un choix un peu par défaut par certains étudiants, qui ne veulent pas réellement enseigner mais tentent leur chance au cas où ils ne trouveraient pas autre chose. » Ce qui se traduit mécaniquement sur les désistements ultérieurs et une moindre performance lors du concours.
Autre certitude : ce ne sont pas les conditions salariales du privé qui attirent. Les enseignants ne sont pas fonctionnaires, et cotisent davantage que leurs collègues du public. Leur calcul de pension est aussi moins favorable, puisqu’ils ne sont pas fonctionnaires et relèvent du régime de retraite des salariés du privé.
L’attractivité du privé s’explique, en fait, par plusieurs facteurs, à commencer par une question de climat scolaire. Certains candidats peuvent venir chercher de meilleures conditions de travail, des élèves supposés plus faciles, venant de familles plus impliquées.
Mais d’autres éléments objectifs existent, qui pourraient être médités par le futur ministre de l’éducation nationale. Et bénéficier un jour à l’enseignement public ? Le premier porte sur les affectations. Dans le privé, les lauréats du concours restent en stage dans leur académie, alors que dans le public, l’avancement se fait « par point » : seuls les plus expérimentés choisissent leur affectation. Conséquence : les débutants sont envoyés là où il reste des places, dans les quartiers difficiles, et parfois loin de leur région d’origine. Quitte à décourager les vocations.
Autre raison de fond : le privé et le public n’ont pas appliqué de la même façon la réforme Blanquer de la formation professionnelle de 2019. Cette année-là, le ministère a décidé que les futurs enseignants devaient passer le concours qui leur ouvre la porte des classes, à la toute fin de la deuxième année de master. « Cela a complètement surchargé le master 2, où les élèves doivent à la fois préparer leur concours, rédiger leur mémoire de master, et réaliser douze semaines de stage », décrit Yann Diraison.
Dans son réseau, les Instituts supérieurs de formation de l’enseignement privé (Isfec) – l’équivalent des Inspé du public – ont alors décidé de répartir différemment la charge de travail sur les deux années de master. Depuis, « la partie stage, en alternance, est réalisée en master 1, ce qui permet de libérer toute la fin du master 2 pour se préparer à fond au concours », cite encore Yann Diraison. Autre différence, les Isfec ont été spécialisés, « de sorte que, par exemple, les futurs enseignants de maths soient tous formés à tel endroit, par les meilleurs spécialistes ».
Grâce à cette organisation, « le taux d’échec au concours est moins élevé et, depuis quatre ans, la quasi-totalité des postes sont pourvus chez nous », conclut Yann Diraison. Autre avantage : bien formés, ils restent en poste, seuls 10 sur 3 000 ont démissionné l’an dernier.