L’exécutif a dû revoir à la baisse ses ambitions : à défaut d’atteindre la majorité absolue, au moins parvenir à une majorité relative à l’Assemblée nationale. Côté gauche modérée, la porte reste fermée puisque la priorité du PS est de disputer à LFI le premier groupe à gauche afin de réclamer les clés de Matignon. Côté Les Républicains, en revanche, la porte s’est entrouverte.
Mathématiquement, une coalition gouvernementale entre Ensemble pour la République (173 en attendant la constitution définitive des groupes) et la droite modérée (59) totaliserait moins que la majorité absolue (289) mais plus que le Nouveau Front populaire (196). Reste à concrétiser cette arithmétique parlementaire.
Il n’y a pas trois blocs politiques, la gauche, le centre et l’extrême droite. Il y en a quatre, même si celui que forme la droite modérée arrive loin derrière les autres. Tout au moins à l’Assemblée nationale, car il est toujours majoritaire au Sénat, que préside Gérard Larcher (LR).
Président sortant du groupe LR, Olivier Marleix a donc tenté un coup de poker. Pas seulement jouer les faiseurs de roi, mais carrément réclamer la couronne. « La France est à droite, analyse-t-il dans Le Figaro de mercredi. Je crois donc, à titre personnel, qu’Emmanuel Macron devrait nommer un premier ministre issu des Républicains, validé par notre groupe, qui porte nos convictions ».
Cette proposition permet à LR de revenir dans le jeu politique, au risque de se heurter à plusieurs obstacles. Le premier, c’est que toute la droite n’est pas forcément prête à gouverner avec le centre. « Pour nous, il n’y aura ni coalition ni compromission », avait affirmé Laurent Wauquiez le soir du second tour. Gouverner avec les macronistes, ce serait en effet perdre aux yeux des Français le statut d’offre alternative lors de l’élection présidentielle de 2027.
Afin de lever cet obstacle, l’ancien premier ministre Édouard Philippe (Horizons) a proposé, au journal télévisé de TF1, un simple « accord technique » entre le centre et la droite « pendant au moins un an ». C’est-à-dire jusqu’à ce que, constitutionnellement, le président de la République puisse à nouveau dissoudre l’Assemblée nationale…
Nouvel homme fort de la droite au Palais-Bourbon, Laurent Wauquiez a finalement saisi la main tendue, mercredi, en choisissant bien ses mots : non à une « coalition gouvernementale », oui à un « pacte législatif ». Ce qui exclut l’hypothèse Matignon, et même gouvernementale.
Le second obstacle, c’est que tout le centre n’est pas forcément prêt à gouverner avec la droite. Pour l’heure, les macronistes continuent à plaider en faveur d’une double ouverture, vers la droite et la gauche modérées : « une coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement », écrivent dans un communiqué les députés du groupe Renaissance, après une énième réunion.
Ne s’allier qu’avec LR, ce serait en effet rompre l’équilibre recherché depuis 2017 par Emmanuel Macon. « On ne peut pas faire un gouvernement d’union nationale avec un seul camp », a d’ores et déjà tranché François Bayrou. Son parti, le MoDem, demeure pour l’instant la deuxième force centriste de l’Assemblée nationale, loin derrière Renaissance mais juste devant Horizons d’Édouard Philippe. La constitution définitive des groupes n’aura toutefois lieu que le 18 juillet.
Or, rien n’est encore figé. Président sortant de la commission des lois, Sacha Houlié a annoncé, mercredi, dans un entretien au magazine Society, qu’il quittait Renaissance et le camp présidentiel. L’intéressé n’exclut pas de créer et présider un nouveau groupe de centre gauche, s’il parvient à réunir sur sa ligne plus de 15 députés.
Un même processus de morcellement menace également la droite modérée, divisée en de multiples sous-familles : les amis de Laurent Wauquiez, ceux d’Aurélien Pradié et Xavier Bertrand, ceux de David Lisnard et Hervé Morin… Afin de l’éviter, le groupe change de dénomination : « Les Républicains » deviennent « La Droite républicaine ». Un nom qui a justement été déposé, le 12 juin, par le mouvement « Libres ! » de Valérie Pécresse.
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Le président de la République a demandé mercredi « à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays ». « Ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible », ajoute le président de la République dans une lettre aux Français publiée dans la presse régionale. Il « décidera de la nomination du premier ministre » lorsque les forces politiques auront « bâti » des « compromis », ce qui suppose de leur laisser « un peu de temps ».