La revue des revues. Alors que les drones sont aujourd’hui le nerf du combat en Ukraine, l’historien David Fiasson rappelle, dans la revue annuelle De la guerre, le rôle décisif joué au XVe siècle par l’artillerie. En assurant la victoire de Castillon en 1453, elle a permis à la France de récupérer définitivement Bordeaux et l’Aquitaine, après trois cents ans d’occupation anglaise, lors du dernier affrontement de la guerre de Cent ans.
Les frères Bureau, Jean et Gaspard, pionniers de l’artillerie française, et, sur le terrain, Giraud le Canonnier, dont chaque tir de couleuvrine tuait en moyenne cinq à six Anglais, ont provoqué la perte de 10 % des effectifs ennemis en un temps record.
Dans l’histoire militaire, chaque époque connaît ainsi ses ruptures technologiques. L’historien Jean Lopez, qui dirige la revue, a choisi comme thème central de ce quatrième numéro la grandeur et la décadence des armées russes, depuis les premiers tsars jusqu’à Poutine. Ce dernier a opportunément mis en avant une réflexion du chancelier Bismarck : « La Russie n’est jamais aussi forte ni aussi faible qu’on le croit », prononcée en 1855, juste après l’humiliante défaite russe subie en Crimée.
Auteur de trois des quatre articles sur « La guerre russe », dont l’un sur « L’expérience soviétique », Jean Lopez démontre bien que la géographie et la démographie dictent la politique de l’empire moscovite dont les frontières ont toujours fluctué, selon les victoires et les défaites. « C’est durant la première guerre mondiale que la Russie atteint le pic de sa capacité démographique », note-t-il.
Par ailleurs, l’extension maximale de l’empire date aussi de 1914, quand il s’étalait de Varsovie à Vladivostok. Parmi les faiblesses des troupes russes, l’indiscipline, la désertion et la corruption au sommet ont toujours existé. Quant aux atouts de cette armée, un des plus troublants reste « sa capacité à mourir », mélange d’héroïsme et de fatalisme.
Dans l’autre conflit qui occupe activement l’ONU et toutes les chancelleries depuis le 7 octobre 2023, l’officier de troupes de marine et historien Michel Goya pose, sous la rubrique « mythe », une question sensible à propos de l’armée israélienne : « Tsahal gagne-t-il toujours à la fin ? » Car si l’Etat hébreu a remporté l’immense majorité des conflits ouverts avec ses voisins arabes depuis 1948, les victoires sont de plus en plus dures à obtenir.
A noter aussi un ensemble remarquable par la richesse et la clarté de ses infographies, cartes et statistiques, sur la guerre de Sécession qui fit 750 000 morts et provoqua des centaines de milliers de réfugiés aux Etats-Unis, de 1861 à 1865. Selon ses deux auteurs, Vincent Bernard et Jean-Marie Lagnel, cette « american civil war » fut la première guerre de masse, avant les conflits mondiaux du XXe siècle.