Lorsque, à la fin du XVIIIe siècle, les navigateurs Cook et Bougainville revinrent de leur expédition à Tahiti, le récit de leur rencontre avec les Polynésiens fascina l’opinion européenne. Ils décrivaient des populations parfois dangereuses, très légèrement vêtues et pratiquant une sexualité en apparence impudique au milieu d’une abondance de vivres, comme un jardin d’Eden des antipodes. Dans L’Illusion d’un monde commun, Antoine Lilti revient sur l’imaginaire colonial véhiculé jusqu’à nos jours par cette narration.
Le professeur au Collège de France interroge la notion même de rencontre entre deux mondes, en traquant le point de vue des Tahitiens dans les nombreuses ellipses du récit. Fait méconnu, plusieurs Tahitiens demandèrent à s’embarquer sur les bateaux des explorateurs, à leur retour en Europe. Loin d’être aussi naïfs que ne le concevaient les Européens, ils voulaient comprendre, se rendre compte par eux-mêmes de ce qu’étaient ces peuples nouveaux avec lesquels ils allaient devoir désormais composer.