Cette semaine, « Le Monde des livres » vous invite à lire un recueil de poèmes de Pier Paolo Pasolini, paru en 1971 et jusqu’ici inédit, dans sa version intégrale, en français ; une autobiographie qui ne se prend pas au sérieux, celle de Lydie Salvayre ; une épopée africaine entre tournant du XXe siècle et Antiquité, qui est aussi un récit des origines, de David Diop ; deux cent cinquante ans d’extrême droite, ou des extrêmes droites, en France retracés dans un utile livre collectif ; et enfin le nouveau grand roman de Pierre Jourde, plongée dans les univers circassien et psychiatrique du XIXe siècle britannique.

POÉSIE. « Transhumaner et organiser », de Pier Paolo Pasolini

On peut s’étonner que l’ultime recueil de poèmes de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), publié en Italie en 1971, ne soit jamais paru en français avant cette édition. Comment l’expliquer ? Sans doute parce qu’en France Pasolini est surtout réputé pour être un grand cinéaste, et que sa poésie, vouée à maintenir un « rapport désespéré et tendu avec la réalité », demeure mal connue.

Ecrite entre 1968 et 1970, cette soixantaine de poèmes s’inscrit dans une période d’intense activité artistique et intellectuelle. Ancrés dans l’actualité italienne, ils témoignent des années de plomb. L’un des plus saisissants, Patmos, a été écrit après l’attentat néofasciste de la piazza Fontana, à Milan, le 12 décembre 1969, qui a causé la mort de seize personnes. Il entrelace des citations de l’Apocalypse et de courtes nécrologies des victimes.

Ces derniers vers du « poète-bouffon » laissent aussi affleurer une veine plus intime. Pasolini s’y montre esseulé, mis à l’écart du monde autant que de lui-même. La rupture avec son amant et acteur Ninetto Davoli le marque profondément. Elle lui inspire des poèmes bouleversants sur l’affection, ce « sentiment ouvert sur la vie de l’autre » que l’écrivain oppose à l’illusion fusionnelle de l’amour.

Il y a beaucoup d’ombres et de pesanteur dans Transhumaner et organiser. La voix prophétique de Pasolini semble tendue vers l’idée même de sa disparition. L’écrivain évoque ses errances sexuelles en périphérie des villes qui ne parviennent jamais à l’apaiser. Et puis surgit cette évocation lumineuse d’Ostie, dans la banlieue côtière de Rome – précisément l’endroit où, le 2 novembre 1975, Pasolini sera battu à mort puis écrasé par une Alfa?Romeo, sur un sordide terrain vague. A. d. C.

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