Un commerçant, un ouvrier du BTP, un notable. Trois Palestiniens de Cisjordanie occupée, trois profils différents unis dans une même expérience traumatisante. Ces hommes ont passé des mois, des années, dans les prisons israéliennes sous le statut de la « détention administrative », c’est-à-dire sans procès, ni jugement, et pour une durée potentiellement illimitée.
Sous ce régime, dénoncé par les ONG israéliennes et internationales de défense des droits humains comme une « mise au secret », voire une « disparition forcée », ils n’ont jamais été informés du motif de leur arrestation, ignorant même les accusations, s’il y en a jamais eu, retenues contre eux. Face à cet arbitraire, terrorisés à l’idée d’être de nouveau arrêtés, tous trois ont préféré témoigner anonymement en étant identifiés comme le prisonnier « M », le prisonnier « B » et le prisonnier « I », l’initiale de leur prénom.
« Jusqu’à aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi ils m’ont arrêté. Je leur disais “mais dites-moi ce que j’ai fait ?”, sans obtenir de réponse », raconte le notable du groupe, le prisonnier « I ». Aisé, diplômé, propriétaire d’entreprises dans le domaine de l’informatique et de l’automobile, il dit avoir voulu s’investir dans la vie publique. « Je pense que c’est pour ça, les Israéliens veulent des “gens à eux” en Cisjordanie, ils ne veulent pas de personnes éduquées. » Interpellé deux semaines après l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023, le prisonnier « I » est sorti de prison fin septembre. Méconnaissable.