Il est difficile, pour les citoyens de ce pays, de ne pas avoir été stupéfaits par la « séquence » de ces deux derniers jours, allant de la première démission de Sébastien Lecornu à sa reconduction, apparemment quelque peu forcée, en vue de procéder à une nouvelle série de consultations en vue de former, aux forceps, un gouvernement pour la France. Cette phase, il faut bien le dire, peu glorieuse pour nos institutions et notre classe politique, donne aux constitutionnalistes matière à quelque ébahissement.
On relèvera d’abord la durée de vie de ce gouvernement Lecornu (14 heures), digne d’une particule élémentaire dans un accélérateur du CERN. On notera ensuite le fait que ce gouvernement tombe, non pas à cause du Parlement, mais de la rupture provoquée par le chef des Républicains, pourtant membre de ce gouvernement – Bruno Retailleau a inventé la censure « intragouvernementale » avant même qu’une déclaration de politique générale ait été prononcée devant l’Assemblée nationale.
Enfin, bien que cela puisse paraître anecdotique, il faudra désormais inclure dans le catalogue des farces et attrapes constitutionnelles la nouveauté créée par Bruno Le Maire, qui a demandé et obtenu d’être « déchargé de l’expédition des affaires courantes » – ce qui a été fait par décret présidentiel du 6 octobre.
L’essentiel, c’est-à-dire le non-anecdotique, est cependant ailleurs. Ce qui est surprenant, ce n’est pas la chute express du gouvernement Lecornu n° 1, c’est la nomination de l’intéressé comme premier ministre. Que représentait en effet Sébastien Lecornu à part lui-même ? Il n’était ni le chef (comme François Bayrou) ni l’« homme fort » (comme Michel Barnier) de l’un des partis du socle commun.
Sur le papier comme dans la réalité, il n’était donc apte à former aucune coalition, donc aucune majorité pouvant le soutenir. Son seul titre à gouverner semblait résider dans le fait qu’il est considéré comme « le fidèle parmi les fidèles » du président de la République, bénéficiant à ce seul titre de sa confiance. Ce qui a été amplement démontré par la tragi-comédie de ces derniers jours, c’est que cette confiance présidentielle ne suffit en aucun cas.