Les Ukrainiens enrôlés de force dans l’armée russe sont contraints de combattre contre leur pays

Lors de sa dernière mission sur le front, en juillet, « Dave » – son nom de guerre – a fait une étrange rencontre. Cet Ukrainien âgé de 30 ans est alors en opération à Makiïvka, dans le Donbass, lorsque son unité parvient à capturer quatre soldats russes, dont deux se révèlent être des Ukrainiens des territoires occupés. Contraints de posséder un passeport russe, ils ont été enrôlés dans l’armée de Moscou après l’invasion du 24 février 2022, puis déployés en Ukraine.

L’un des deux, Sergueï, 38 ans, vient de Donetsk. Dave l’interpelle : « Pourquoi es-tu venu combattre l’Ukraine ? » « Je ne voulais pas, répond le soldat. J’ai longtemps attendu que vous veniez nous libérer. Mais j’ai fini par me faire embrigader. » « Il m’a dit qu’il n’avait pas le choix, que c’était ça ou la mort », raconte Dave, venu, en ce matin d’octobre, à Kiev avec sa fille et sa femme se recueillir sur le Mémorial des soldats tombés au combat.

Ce cas est loin d’être isolé. Trois ans et demi après le début de l’invasion de leur pays, les Ukrainiens âgés de 18 à 60 ans piégés dans les territoires occupés sont enrôlés à la chaîne dans les rangs de l’armée russe, le plus souvent sous la menace. Les autorités de Moscou leur promettent qu’ils ne participeront pas à l’« opération militaire spéciale ». Ces hommes sont pourtant déployés en nombre sur le front ukrainien pour combattre leur propre peuple, selon les informations recueillies par Le Monde.

Certains sont capturés ou tués sur le champ de bataille. Beaucoup viennent grossir les cinq camps réservés aux prisonniers de guerre russes en Ukraine. Dmytro Lubinets, le commissaire ukrainien aux droits humains, se rend régulièrement dans ces centres. Ces soldats enrôlés de force, il en voit « énormément », « des centaines ». Leur nombre est gardé secret, mais le ratio donne un aperçu de l’ampleur du phénomène : « 25 % du nombre total de prisonniers de guerre russes sont des gens issus des territoires occupés », révèle, au Monde, Dmytro Lubinets, qui reçoit dans son bureau à Kiev. Un sur quatre.

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