Radicalité politique, fragilité psychique, seconde vague de féminisme et mutations au travail : à partir d’enquêtes réalisées en 2021, 2022 et 2023 auprès de trentenaires, la sociologue Monique Dagnaud décrypte, dans Génération Reset. Ils veulent tout changer (Odile Jacob, 240 pages, 22,90 euros) comment les bouleversements du monde ont façonné les milléniaux (nés entre 1981 et 1996, dits aussi génération Y), pionniers de l’usage des réseaux sociaux quand ils étaient adolescents.
Depuis 2020, les crises se sont enchaînées : Covid-19, invasion de l’Ukraine, 7-Octobre et guerre à Gaza, élection de Donald Trump… Autant d’angoisses et de menaces existentielles qui se sont ajoutées à celles du dérèglement climatique. J’ai voulu savoir comment les trentenaires affrontaient cette situation. Ma recherche s’est centrée sur les 25-39 ans, très diplômés (les bac + 5), ceux qui seront bientôt au pouvoir. Et j’ai été stupéfaite des résultats : 32 % des jeunes interrogés avaient changé d’orientation politique après le Covid-19, et une grande majorité d’entre eux portaient une forte radicalité politique à gauche. Cette génération, très éduquée, la première à entrer dans la connaissance avec les outils numériques, et que l’on disait créatrice et optimiste, a perdu confiance en l’avenir et demande des changements radicaux. Seuls 10 % des trentenaires interrogés disent vouloir « continuer comme avant ».
Ces jeunes croient à un engagement local, dans le quotidien, les associations. La donne écologique tient une place très importante. Ils sont opposés au capitalisme libéral et à la mondialisation, et veulent mener une transformation des modes de vie. Ils rêvent d’un autre monde qui échapperait aux logiques de compétition et obéirait à des valeurs humanistes. Ils sont très sensibles à l’injustice sociale, à tous les types de discriminations, qui leur sont insupportables. Et en même temps, ces trentenaires vivent une forme de déchirement moral : très diplômés, ils sont les gagnants d’un système scolaire dont ils dénoncent les inégalités. En résumé : « Je passe mes journées à protester contre ce modèle de société et mes soirées à m’occuper de mes enfants pour qu’ils réussissent le mieux possible dans ce système. »