La victoire est incontestable. En remportant plus de 40 % des suffrages lors des élections législatives du 26 octobre, loin devant l’opposition péroniste, le parti du président argentin, Javier Milei, s’est donné les moyens de durer. Deux ans après l’irruption qu’avait constituée son élection, le tribun libertarien au verbe volontiers incendiaire a montré qu’il faudra continuer de compter avec lui et avec sa vision ultralibérale de l’économie.
Une partie des électeurs a certainement voulu témoigner de son soutien à une cure d’austérité brutale dont Javier Milei assure qu’elle constitue le préalable indispensable à la renaissance économique dont l’Argentine a cruellement besoin. Le chantage exercé par le président des Etats-Unis, Donald Trump, qui avait subordonné l’injection de 20 milliards de dollars pour soutenir le peso argentin à une victoire électorale de son allié d’Amérique latine, a pu également jouer en faveur de ce dernier.
Certes, son succès n’est pas sans nuances. La participation médiocre (66 %), dans un pays où le vote est obligatoire, témoigne d’une désaffection vis-à-vis de la politique qui doit être impérativement prise en compte. Mais le président a surtout bénéficié du rejet que continue d’inspirer le kirchnérisme, cet avatar du péronisme incarné successivement par Nestor Kirchner puis par son épouse, Cristina Fernandez, dont la condamnation pour fraude et l’inéligibilité à vie avaient été définitivement confirmées en juin. Loin de constituer un présage, le large succès péroniste enregistré en septembre dans la province de Buenos Aires semble avoir joué au contraire comme une piqûre de rappel au bénéfice du président.
En réduisant son message à la dénonciation en bloc de la politique imposée à la hussarde par Javier Milei, l’opposition de centre gauche a paradoxalement mis en avant son principal succès dans la lutte contre une inflation endémique, réduite à marche forcée. Cette dernière, qui oscille aujourd’hui autour de 30 % au lieu de 200 % avant son arrivée au pouvoir, reste considérable. Mais les Argentins peuvent mesurer dans leur vie quotidienne que le remède de cheval appliqué par cet économiste iconoclaste produit des résultats. Réduire drastiquement l’inflation permet en effet de diminuer l’exposition à la pauvreté, qui constitue l’angle mort des politiques suivies depuis deux ans. Ce résultat expliquait déjà le soutien apporté au pays par le Fonds monétaire international ainsi que par la Banque mondiale, en avril.
En doublant le nombre de ses représentants au Parlement, Javier Milei est désormais en meilleure posture pour faire face à une opposition qui lui avait infligé au cours des derniers mois une série de revers cuisants. Pour pouvoir traduire dans les faits son ambition de profiter des deux ans qui lui restent, jusqu’à la présidentielle de 2027, pour déréguler le marché du travail et conduire une réforme fiscale, le président, dont le parti ne disposera pas d’une majorité absolue au Parlement, devra se concilier la bonne volonté des formations de droite et de centre droit. Une tâche qui semble désormais à sa portée.
L’Argentine n’est pas encore tirée d’affaire, loin de là. Consommation, investissements et exportations en baisse, produit intérieur brut en repli, chômage en hausse en bonne partie du fait des coupes claires pratiquées dans les dépenses publiques, qui mettent à mal le système de santé, d’éducation et de recherche : les chiffres sont là pour le rappeler.