Sarah Smadja, psychiatre : « Le passage à l’acte de la meurtrière de Lola ne relève pas de la folie »

Le meurtre de Lola a suscité une émotion immense. La crudité des faits, l’âge de la victime et le caractère incompréhensible de l’acte ont stupéfié le pays. Dans de tels moments, la tentation est grande d’expliquer par la « folie », le « monstrueux » ou l’« inhumain ». Ces mots éloignent du monde commun Dahbia Benkired, l’autrice des faits, au risque d’empêcher de comprendre ce qui s’est joué. Or, comprendre n’est pas excuser, c’est donner à la société un cadre pour penser en évitant amalgames et récupérations politiques.

Il est d’abord essentiel de rappeler que les deux expertises psychiatriques ont conclu que l’autrice était pénalement responsable des actes commis. Elle ne présentait pas de pathologie psychiatrique susceptible d’abolir ou d’altérer son discernement au moment des faits. Elle comprenait la nature de ses actes et leurs conséquences. Ce qui est en jeu ici n’est pas une maladie mentale, mais une organisation de personnalité. Les trois experts qui l’ont examinée à plusieurs reprises décrivent une personnalité psychopathique, avec des traits pervers. Il s’agit d’un mode de fonctionnement dans lequel l’autre n’est pas perçu comme sujet, mais comme objet à utiliser, posséder ou détruire pour maintenir son propre équilibre interne. Cette analyse ne se substitue pas aux expertises judiciaires déjà réalisées ; elle en reprend les conclusions et vise à en éclairer les enjeux psychiques pour le public.

Peu avant les faits, un épisode a eu lieu autour de l’accès de l’immeuble : Dahbia Benkired n’a pas obtenu le badge permettant de s’y déplacer librement. Une futilité, un détail, comme ont pu le considérer certains observateurs. Ce qui importe ici n’est pas cet épisode, mais la façon dont il s’inscrit dans un fonctionnement psychique global. L’accusée se heurte à l’écart massif entre l’idéal d’elle-même, celui d’une personne qui compte et existe dans le regard d’autrui, et une réalité qui ne la confirme pas comme sujet parmi les autres. Cet écart ouvre un vide dans lequel le sentiment même d’exister vacille. Ce n’est pas une émotion, mais une menace de dissolution.

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