Si la question vestimentaire offre de nombreux sujets propices aux débats, aux nuances et aux discussions aussi chaleureuses que chaloupées, elle propose aussi, parfois, des sujets appelant des jugements sans pitié ni souplesse. Tenez, les bracelets à boules pour homme, par exemple. De quoi parle-t-on, précisément ?
Cet accessoire est, comme son nom l’indique, un bracelet souple constitué d’une suite de petites sphères. Celles-ci, d’une taille d’environ un demi-centimètre, peuvent être en verre, bois ou faites de pierres semi-précieuses. Elles sont, au choix, noires et mates ou colorées et translucides. Souvent, elles sont entourées de petites pièces de métal, sculptées d’enluminures tribales ou, plus fréquemment encore, de têtes de mort.
Depuis quelques années, ces ornements pullulent. Ils sont devenus la signature stylistique de nombreux hommes d’âge mûr, adeptes du sport intensif, de la réussite financière, des pantalons serrés et des scooters à trois roues. Au feu rouge, les deux mains posées sur les poignées du guidon, ceux-ci dévoilent d’ailleurs, bien souvent, le même combo : d’un côté, une montre de luxe en acier, de l’autre, une enfilade de bracelets transformant l’avant-bras en boulier.
Cette accessoirisation n’est pas anodine. A l’instar des charms, scoubidous, peluches Labubu et autres babioles pendouillant du sac à main de luxe de certaines femmes, ces bracelets sont le signe d’une terrible crise d’identité. En se lestant de ces breloques, ces hommes entendent lutter contre l’assignation à la sobriété et au classicisme liée à leur âge et à leur statut. Consciemment ou non, ils tentent même de faire perdurer le fantasme du rebelle, du pirate, du cow-boy, du bandit, pour ne pas dire de l’homme libre.
Naturellement, il vaut mieux en rire qu’en pleurer. De fait, l’idée que s’enchaîner les poignets puisse, d’une façon ou d’une autre, être libérateur n’est pas tout à fait dénuée d’humour. De même, l’ambition de cultiver sa jeunesse en s’affublant d’un « bijou » qu’aucun homme d’âge inférieur n’envisagerait une seule seconde de porter ne manque pas de piquant.