Le dernier tome du journal du diplomate et poète grec Georges Séféris (1900-1971), Prix Nobel de littérature en 1963, va de 1945 à 1971, du retrait des nazis jusqu’à sa mort. Celle-ci intervient alors que les colonels ont pris le pouvoir depuis quatre ans en Grèce et instauré une dictature que l’écrivain a qualifiée de « cloaque bourbeux ». Ses obsèques sont l’occasion d’une manifestation de masse où la foule reprend en chœur l’un de ses poèmes, « Encore un peu/Et nous verrons les amandiers fleurir » (Mythologie, Mercure de France, 1970).

Le point fort d’un journal (depuis Victor Hugo), ce sont les « choses vues », les petits extraits de réel en forme de paragraphes qui possèdent à la fois la fermeté d’une pierre écrite et la vivacité d’un mouvement dramatique : « Les habits sacerdotaux [du patriarche orthodoxe] sont d’un poids tel qu’on doit l’emmener en le soulevant par les aisselles. C’est inhumain. Parfois ses jambes ne peuvent plus le porter ; je le vois traîner la patte, en marchant derrière lui » (dimanche de Pâques 1954). Beaucoup d’auteurs s’en tiendraient là, mais Séféris sait que seule la relance fait l’écrivain, et il ajoute : « Le pire de tout, c’est le sourire mauvais, hâbleur, qui s’étale sur la face ronde d’un père catholique qui se tient à l’entrée du temple et observe le malheureux infirme. »

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