Près de quatre-vingt-dix ans après avoir été préparé avec amour par Enriqueta, la grand-mère de Léonor de Récondo, il est toujours là, à refroidir, dans l’attente d’être découpé et servi aux proches réunis pour un anniversaire. Il est toujours là depuis que les bombardements de l’aviation franquiste ont précipité la fuite de la famille – dont le père de l’écrivaine, âgé de 4 ans –, depuis qu’ils ont traversé le pont, encore jonché des confettis de la fête de l’Assomption, pour atteindre la France et découvrir combien le spectacle de la guerre civile espagnole indiffère les badauds venus profiter de la vue à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques). La maison familiale d’Irun peut s’effondrer. Dans l’esprit de Léonor de Récondo, le gâteau de riz demeure pour l’éternité sur la table de la cuisine depuis cette journée du 18 août 1936.

Des dizaines d’images marquantes résonnent d’un livre à l’autre que l’écrivaine publie en cette rentrée, Goya de père en fille et Marcher dans tes pas. Elles sont autant de variations sur un même thème, mais le motif du gâteau de riz s’impose. Il apparaît à la fois comme le symbole de l’enfance gourmande, de l’exil et d’une transmission interrompue. « Ce qui est parvenu jusqu’à moi est une vérité emmaillotée. Ici livrée », confie l’autrice dans Marcher dans tes pas. A elle de la libérer. Parce qu’aujourd’hui l’écrivaine et violoniste prépare un gâteau de riz pour son fils avant de partir en tournée. Parce qu’il y a dix ans, son père est mort et, par une étrange coïncidence, Madrid a donné la possibilité aux enfants de républicains exilés d’obtenir la nationalité espagnole. Doit-elle la réclamer ? Elle s’interroge dans les deux livres comme on lance deux pistes.

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