Rarement depuis la fin des années 1960 la France n’a semblé aussi divisée, déchirée. Quand l’idée d’une candidature de la Ville de Paris à l’organisation des Jeux olympiques (JO) en 2024 a germé, il était difficile d’imaginer que cet évènement se tiendrait quelques jours après un scrutin national exposant au grand jour le gouffre abyssal entre la France des métropoles, agile dans la globalisation et la transformation numérique et la « lower middle class », cette « classe moyenne moins aisée » de la « France périphérique », lourdement impactée par l’explosion du coût du logement, des énergies fossiles et des produits alimentaires, menacée d’être fortement contrainte dans sa mobilité, déroutée par les nouveaux usages numériques, tracassée par les trafics et les incivilités, menacée de déclassement.
Bien entendu, cette fracture entre la France périphérique et la France des grandes métropoles est documentée depuis plusieurs années. Les promoteurs des Jeux ont sans doute pensé, en toute bonne foi, qu’un événement tel que les Jeux olympiques serait de nature à réduire cette fracture, à contribuer à la restauration d’une certaine cohésion nationale. Qu’en est-il ? Les « grands événements sportifs internationaux » rendent-ils heureux et sont-ils susceptibles de contribuer à une forme de réconciliation nationale ?
Les travaux récents des économistes nous donnent des réponses contrastées, susceptibles d’éclairer ce questionnement. Les Jeux olympiques de 2012 à Londres ont contribué à un accroissement du bien-être subjectif des Londoniens, particulièrement pendant la période des épreuves et des cérémonies d’ouverture et de clôture.
Même si l’effet fut de court terme, il est incontestable que les Jeux ont rendu les habitants de la ville hôte plus « heureux » (« Quantifying the intangible impact of the Olympics using subjective well-being data »), Paul Dolan, Georgios Kavetsos, Christian Krekel, Dimitris Mavridis, Robert Metcalfe, Claudia Senik, Stefan Szymanski, Nicolas Ziebarth, Journal of Public Economics n ° 117, 2019).
A l’inverse, « des fractures sociales et politiques ont découlé [des Jeux de Rio 2016], se sont intensifiées, avec le sentiment que le soutien financier du gouvernement aux méga événements sportifs renforçait les privilèges de minorités aux dépens de la collectivité » (« Rendements économiques attendus et Jeux olympiques : un guide pour l’avenir des JO », Robert Baade et Victor Matheson, Revue d’économie financière n° 154, 2024). Si les contextes de Londres 2012 et de Rio 2016 sont sensiblement différents, il semble néanmoins possible de tirer quelques enseignements de ces constats pour Paris 2024.