Le géant de la musique Spotify est accusé, dans une nouvelle plainte, de fermer les yeux sur des réseaux de « bots » (comptes automatisés) qui génèrent des écoutes artificielles pour gonfler les chiffres d’audience de mégastars comme Drake, aux dépens d’artistes moins connus.
La plainte a été déposée dimanche devant un tribunal fédéral de Californie par le rappeur RBX, un cousin de Snoop Dogg. Les plaignants assurent que le rappeur canadien engrange des millions de dollars de revenus grâce à de fausses écoutes, et que Spotify en retire un avantage commercial considérable en semblant avoir plus d’utilisateurs qu’il n’en a vraiment. « Cette fraude massive au streaming cause un préjudice financier considérable aux artistes, auteurs-compositeurs, producteurs et autres détenteurs de droits légitimes », dit la plainte.
Spotify rémunère les artistes au prorata. Les revenus découlant des abonnements et de la publicité sont distribués en fonction du nombre d’écoutes, dont les chiffres gonflés de mégastars feraient reculer la part de recettes disponibles pour les autres artistes.
« L’analyse des données montre que des milliards d’écoutes frauduleuses ont été générées pour les chansons de “l’artiste le plus streamé de tous les temps”, connu professionnellement sous le nom de Drake », dit la plainte. Elle ne vise pas Drake lui-même, et les plaignants n’accusent pas l’auteur de One Dance et Take Care d’actes répréhensibles. Spotify est la seule partie défenderesse ciblée par la plainte, qui lui reproche son manque d’empressement à combattre la fraude supposée.
Les plaignants affirment notamment avoir constaté qu’un « usage anormal de réseaux privés virtuels (VPN) » a eu lieu, durant une période de quatre jours en 2024, pour masquer l’origine réelle de 250 000 écoutes du tube de Drake No Face. Selon la plainte, ces écoutes provenaient de Turquie, mais l’usage concerté d’un VPN les faisait apparaître comme venant du Royaume-Uni.
« Pour satisfaire à la pression constante des actionnaires (…), Spotify a besoin d’une population d’utilisateurs en constante expansion sur sa plateforme », dit le texte. « Plus Spotify compte d’utilisateurs (y compris de faux utilisateurs), plus il peut vendre de publicités, plus l’entreprise peut déclarer de bénéfices, ce qui contribue à augmenter la valeur supposée offerte aux actionnaires. » Par le passé, des enquêtes de presse avaient révélé l’existence d’escroqueries menées sur Spotify par le biais de comptes automatisés ou la création, à très grande échelle, de morceaux générés par intelligence artificielle.
Un porte-parole de l’entreprise a déclaré à l’AFP qu’il n’était pas en mesure de commenter le litige en cours, mais a démenti que Spotify ait tiré profit d’une telle fraude. « Nous investissons massivement dans des systèmes de pointe en constante amélioration pour lutter contre ce phénomène et protéger les rémunérations des artistes, grâce à des mesures de protection efficaces telles que la suppression des flux frauduleux, la rétention de redevances et l’application de pénalités », selon le porte-parole.