Mais où va donc s’arrêter le film catholique Sacré-Cœur qui, après cinq semaines d’exploitation et porté par des polémiques providentielles, vogue vers les 400 000 entrées ? C’est prodigieux, au regard du coût de sa production, soit 800 000 euros. Le nombre de salles qui le programment grossit semaine après semaine, ce qui est rarissime. Et comme la gauche culturelle n’a pas compris qu’en voulant tuer ce docu-fiction elle le soutenait, on se dit finalement que le sous-titre est pertinent : « Son règne n’a pas de fin. »
Partons de l’association Ciné 32, dans le Gers, qui possède sept salles de cinéma à Auch, où elle fait du bon travail. Elle a envoyé le 14 octobre à seize salles du département un e-mail les appelant à ne pas diffuser Sacré-Cœur parce qu’il serait « ouvertement d’extrême droite » (La Dépêche du 31 octobre). On a vu ce long-métrage, signé Sabrina et Steven Gunnell, qui raconte la dévotion au cœur de Jésus. Des acteurs jouent l’apparition de ce dernier à une religieuse en Bourgogne, suivie de témoignages de prêtres et de croyants. On a trouvé le film pénible, en raison, c’est peu de le dire, d’un manque de distance par rapport au sujet. Le propos est illuminé, proche du prospectus pour un aller simple au paradis, attisé par des miracles aussi limpides que ceux de super-héros dans un film Marvel. Autant dire qu’on est loin du chef-d’œuvre de Pasolini L’Evangile selon saint Matthieu (1964).
Les cinéastes, qui se qualifient d’« extrémistes de l’amour divin », se contrefichent de notre avis. Leur cible, ce sont les paroisses, les catholiques pratiquants, leur entourage et quelques brebis égarées. Ce film est communautaire, comme il en existe des dizaines chaque année sur tous les sujets, sans aucun mot venant distiller le doute en eux.
Mais Sacré-Cœur n’est en rien d’extrême droite. Du reste, il a obtenu un visa d’exploitation et un classement « tous publics ». La question est plutôt de savoir pourquoi, alors qu’il sort chaque année des dizaines de films militants, sur tous les sujets, sans offusquer personne, celui-ci fait polémique. « Catho » est parfois assimilé à « facho », c’est une vieille histoire en France, mais ça n’explique pas tout. Sacré-Cœur est, selon nous, exemplaire d’une confusion entre une œuvre et son entourage. Le profil des soutiens classe le film sur l’échiquier politique.