Elle entre et se glisse avec elle la sensation insistante de la connaître. On sait pourtant bien que non. Et pour cause, il y a dix ans, Marie Hourcastagnou avait justement refusé de se raconter au Monde. Un mois après le 13 novembre 2015, le récit de son mari, Arnaud, le dernier des 11 otages à avoir été libéré du Bataclan, glaçait la une du journal. Elle était dans le même petit couloir que lui, ce soir-là, coincée avec les deux terroristes deux heures durant. « Mais moi, je voulais passer à autre chose. » Hors de question pour Marie de figer cet instant sur papier, il fallait « dépasser », « avancer », « ne pas ressasser ». Et la voilà finalement assise devant nous, dix ans plus tard. Toujours pas figée, tant sa vie est tourbillon dans cet automne étrange où se mêlent les commémorations et la sortie d’une série télé consacrée en partie à son histoire.
D’où vient donc cette impression de déjà-vu face à ses yeux perçants et à son débit de tempête ? Ça lui arrive de temps en temps, confie-t-elle. Comme avec cette dame, qui a tant insisté, répétant que cette sensation allait la « turlupiner » toute la soirée, se rappelle-t-elle. Alors « il fallait bien la soulager », tout en sachant ce que ça allait provoquer. « Vous avez dû me voir dans un documentaire… », lui a lâché Marie, pudiquement. La dame a arrêté de sourire instantanément. Excuses confuses, malaise.