Avec Bugonia, le cinéaste grec Yorgos Lanthimos démontre une fois de plus qu’il est costaud, tout en versant moins que d’habitude dans l’autopromotion de sa virtuosité. Cette fois, il se risque à autre chose. Le réalisateur tourne depuis le tournant des années 1990-2000, mais c’est à partir de 2015, avec The Lobster (avec Colin Farrell et Léa Seydoux), qu’il est devenu une figure internationale.
A partir de là, même si son talent est demeuré indéniable, il en est resté à un cynisme confortable, fort monnayable et échangeable, car photogénique, comparable à celui de son confrère suédois Ruben Östlund (The Square, Sans filtre) : on lui doit des fables tour à tour cliniques et ricanantes sur la misère de l’espèce humaine et des codes culturels, du gore social version light qui se vend sans trop d’encombre, en se plaçant sous l’égide de Stanley Kubrick ou sous celle, moins écrasante, de Lars von Trier (le chapitrage cosmique de Bugonia rappelle celui de Melancholia, réalisé par le Danois en 2011). Pour le dire autrement, Lanthimos a été jusqu’ici un bon élève de l’inconvenance qui en jette – penchant dont le film Pauvres créatures (2023) a constitué l’acmé.